LE TIBETAIN

LES ENSEIGNEMENTS DU TIBETAIN

c. La Renonciation au Gain

c. La Renonciation au Gain

C'est là le thème de base de La Bhagavad Gita. Dans ce traité sur l'âme et son développement, on nous enseigne à "accomplir l'action sans attachement", et là se trouvent les fondations de renonciations postérieures qui peuvent être effectuées sans souffrance et sans le sentiment de perte, parce que nous avons acquis le pouvoir, latent en nous-mêmes, de nous détacher des possessions acquises.

Cette loi opère de nombreuses façons, et on ne peut qu'indiquer quelques-unes des significations générales qui incarnent les leçons majeures de chaque disciple.

Premièrement, l'âme doit renoncer à la personnalité. Pendant des âges, l'âme s'est identifiée avec le soi personnel inférieur, et par l'intermédiaire de ce soi inférieur, elle a acquis de l'expérience et beaucoup de connaissance.

Le temps est venu où cet intermédiaire "n'est plus cher" à l'âme, et leurs positions respectives sont renversées. L'âme n'est plus identifiée à la personnalité, mais la personnalité devient identifiée à l'âme et perd ses qualités et sa position séparées. Tout ce qui a été acquis au cours de luttes et de conflits immensément longs, à travers des désastres et des désirs satisfaits, et tout ce que la roue de la vie, qui a tourné sans arrêt, a donné à l'âme, Tout doit être abandonné. La vie, pour le disciple, devient alors une  série de processus de détachement, jusqu'à ce qu'il ait appris la leçon de la renonciation.

L'ordre est, d'abord la libération de la passion, puis le discernement, et finalement le détachement. Tous les disciples doivent méditer sur ces trois mots s'ils veulent un jour récolter les fruits du sacrifice.

"Ayant répandu dans les mondes une fraction de Moi-Même, je demeure." Tel est le thème de l'entreprise de l'âme, et tel est l'esprit qui doit être à la base de tout travail créateur. Dans cette pensée repose l'indication relative au Symbole de la Loi de Sacrifice, une croix rose avec un oiseau volant au-dessus d'elle. C'est la croix aimée (le rose étant la couleur de l'affection), avec l'oiseau (symbole de l'âme) qui vole libre dans le temps et l'espace.

Deuxièmement, l'âme doit également renoncer non seulement à son attache et à ses gains à travers le contact avec le soi personnel, mais elle doit, de façon la plus nette, renoncer à ses attaches avec les autres sois personnels.

Elle doit apprendre à connaître et à rencontrer les autres personnes seulement sur le plan de l'âme. C'est, pour de nombreux disciples, une dure leçon. Ils peuvent ne pas faire grand cas d'eux-mêmes et peuvent aussi avoir appris un grand détachement personnel. Ils peuvent ne pas attacher beaucoup de prix au contact avec le soi personnel inférieur. Ils apprennent à transcender tout cela et peuvent le transcender à un haut degré, mais leur amour pour leurs enfants, leur famille, leurs amis et leurs intimes est pour eux d'une importance suprême, et cet amour les tient prisonniers dans les mondes inférieurs. Ils ne font pas l'effort de reconnaître que leur amour est avant tout un amour pour leurs personnalités et seulement en second lieu pour leurs âmes.

C'est sur ce roc que de nombreux disciples ont échoué pendant des vies, jusqu'au moment où, par la douleur et la souffrance et par la perte constante de ce qu'ils aiment tant, leur amour entre dans une nouvelle phase, plus haute et plus vraie. Ils s'élèvent au-dessus du personnel et trouvent de nouveau, après avoir senti la perte et la souffrance, ceux que maintenant ils aiment en tant qu'âmes. Alors, ils comprennent qu'il y a eu gain et non perte, et que c'est seulement ce qui était illusoire, éphémère et non véritable qui a disparu.

Le véritable Homme a été acquis et ne peut plus jamais être perdu.

C'est là très fréquemment le problème de parents qui sont sur le Sentier de l'Etat de Disciple, et c'est à travers leurs enfants que la leçon est apprise et peut les libérer pour l'initiation. Ils gardent leurs enfants pour eux, et ceci qui est contre la loi de la nature, se transforme en désastre. C'e est là l'extrême de l'égoïsme. Et pourtant, s'ils pouvaient seulement savoir et voir juste, ils comprendraient que pour tenir, il faut détacher, et pour conserver, il faut lâcher. Telle est la loi.

L'âme doit aussi apprendre à renoncer aux fruits ou aux gains provenant du service et apprendre à servir sans attachement quant aux résultats, aux moyens, aux personnes ou aux louanges. Je traiterai de cela plus loin.

Ensuite, l'âme doit renoncer aussi au sentiment de responsabilité relativement à ce que les autres disciples peuvent faire. Il y a tellement de sincères serviteurs qui s'accrochent à leurs compagnons de travail et ne lâchent pas leur étreinte, qu'il s'agisse d'eux ou de leurs activités extérieures.

C'est là une subtile erreur, car elle se déguise derrière un sentiment de responsabilité légitime, derrière une adhésion aux principes tels qu'ils apparaissent à l'individu et derrière l'expérience accumulée nécessairement incomplète du disciple.

Le rapport entre disciples est égoïque et non personnel. Le lien est celui de l'âme et non celui du mental. Chaque personnalité poursuit sa propre carrière, doit assumer ses propres responsabilités, accomplir son propre dharma et remplir son propre karma. Elle doit ainsi répondre pour soi-même à son Seigneur et Maître, l'Ame. Et il y aura une réponse. Est-ce que cela, en soi, donne l'impression de la séparation et de la solitude ? Oui, certainement, dans la mesure où il s'agit des activités extérieures. C'est seulement quand les serviteurs coopèrent grâce à un lien intérieur subjectif qu'un travail de groupe peut être poursuivi.

A cette époque de l'histoire du monde et de ses sauvetages périodiques de conditions qui pourraient détruire la civilisation en cours, il est nécessaire que les aspirants saisissent le fait que ce processus de sauvetage doit être poursuivi conformément à la Loi de Sacrifice et que seule une unité extérieure relative peut être actuellement atteinte. La vision n'est pas encore vue avec assez de clarté par les nombreux serviteurs pour les faire travailler avec une parfaite unanimité de dessein et d'objectif, de technique et de méthode, ou une compréhension et une unité complètes dans leur approche.

Cette coopération fluide, parfaite, appartient encore à l'avenir.

L'établissement d'un contact et d'un rapport intérieurs, fondés sur une unité de dessein vraiment comprise et sur l'amour de l'âme, est magnifiquement possible, et vers ce but tous les disciples doivent lutter et tendre.

Sur le plan extérieur, en raison du mental séparatif pendant cette époque, un accord complet sur les détails, les méthodes et les interprétations n'est pas possible. Mais les rapports et la coopération intérieurs doivent être établis et développés, malgré les divergences extérieures d'opinions. Lorsque le lien intérieur est maintenu par amour, et lorsque les disciples renoncent au sentiment d'autorité à l'égard des autres et à celui de responsabilité pour les activités des autres, et en même temps se tiennent épaule contre épaule dans le Travail Unique, alors les différences, les divergences et les points de désaccord seront automatiquement surmontés. Il existe trois règles qui sont importantes pour les disciples en cette époque.

Premièrement, arrangez-vous pour ne permettre qu'aucune fissure n'apparaisse dans les rapports intérieurs que vous avez entre vous.

L'intégrité du groupe intérieur de serviteurs doit être préservée intacte.

Deuxièmement, poursuivez votre propre devoir et votre propre tâche, assumez vos propres responsabilités et ensuite laissez vos camarades disciples faire de même, libres de l'impact de votre pensée et de vos critiques. Les voies et les moyens sont nombreux ; les points de vue varient avec chaque personnalité. Le principe de travail est l'amour pour tous les hommes et le service pour la race, en préservant en même temps un plus profond amour intérieur pour ceux avec lesquels vous êtes destiné à travailler. Chaque âme croît dans la voie de la lumière par les services rendus, par l'expérience acquise, par les erreurs faites et par les leçons apprises. Cela, nécessairement, doit être personnel et individuel.

Mais le travail lui-même est un. Le Sentier est un. L'amour est un. Le but est un. Ce sont les points qui importent.

Troisièmement, préservez toujours dans le travail l'attitude d'esprit qui doit provenir des deux règles ci-dessus fidèlement suivies. Votre point de vue et votre conscience sont les vôtres, et, par conséquent, sont pour vous corrects. Mais ce qui vous semble clair et d'une telle importance vitale n'a pas nécessairement la même valeur ni la même importance pour vos frères. Votre principe important peut être réalisé par un mental mieux doué que le vôtre, et par un disciple plus avancé, incarnant un aspect d'un principe correct et approprié à un certain moment mais susceptible d'une application différente à un autre moment et par un autre mental. Sous la Loi de Sacrifice, ces trois règles doivent être ainsi interprétées :

1. La renonciation ou le sacrifice de la très ancienne tendance à critiquer et à régler le travail des autres, pour préserver l'intégrité intérieure de groupe. Plus de plans pour le service ont été égarés et plus de travailleurs ont été entravés par les critiques que par aucun autre facteur important.

2. La renonciation ou le sacrifice du sens de responsabilité à l'égard des actions des autres et particulièrement des disciples. Arrangezvous pour que vos propres activités soient à la hauteur des leurs, et dans la joie de la lutte et sur le chemin du service, les différences disparaîtront et le bien général sera atteint.

3. La renonciation à l'orgueil du mental qui considère ses voies et ses interprétations comme correctes et vraies et celles des autres comme fausses et erronées. C'est là le chemin de la séparation. Maintenez vous sur le chemin de l'intégration qui est de l'âme et non du mental.

Ce sont là des paroles sévères, mais ce sont les règles par lesquelles les Educateurs se trouvant sur le côté intérieur guident Leurs actions et Leurs pensées lorsqu'Ils travaillent ensemble et avec Leurs disciples. L'intégrité intérieure est nécessairement un fait prouvé pour Eux. Pour le disciple, ce n'est pas vrai. Mais pour les Educateurs intérieurs, les différences extérieures sont abominables. Ils laissent chacun libre de servir le Plan. Ils entraînent Leurs disciples (de n'importe quel degré) à servir le Plan avec liberté, car dans la liberté et dans le sentiment de joie et de force d'un amour intérieur et coopératif, on accomplit le meilleur travail. C'est la sincérité qu'Ils recherchent. Etre prêt à sacrifier ce qui est moindre lorsque ce qui est plus vaste est perçu, est l'état d'esprit qu'Ils recherchent. La renonciation spontanée à des idéaux longtemps entretenus, lorsqu'un idéal plus vaste et plus inclusif se présente, constitue pour Eux une direction. Le sacrifice de l'orgueil et le sacrifice de la personnalité lorsque la grandeur du travail et l'urgence du besoin sont comprises, Les décident à coopérer. Il est essentiel que les disciples apprennent à sacrifier le non-essentiel afin que le travail puisse progresser. Même si on le comprend peu, le nombre des techniques, des méthodes et des voies est secondaire par rapport aux besoins du monde.

Il y a de nombreuses voies, de nombreux points de vue, de nombreuses expérimentations et de nombreux efforts, des échecs ou des succès : tout cela vient et s'en va. Mais l'humanité demeure. C'est une preuve de la multiplicité des mentaux et des expériences, mais le but reste. La différence provient toujours de la personnalité. Lorsque la Loi de Sacrifice gouverne le mental, elle mène inévitablement tous les disciples à renoncer à ce qui est personnel en faveur de ce qui est universel et appartient à l'âme qui ne connaît ni séparation, ni différence. Alors, ni l'orgueil, ni un point de vue étroit et myope, ni un amour d'ingérence (si cher à tant de gens), ni l'incompréhension des motifs ne feront obstacle à leur coopération mutuelle en tant que disciples et à leur service au monde.