LE TIBETAIN

LES ENSEIGNEMENTS DU TIBETAIN

CHAPITRE V — LES ETAPES DE LA MEDITATION Ajustements émotifs et mentaux.

CHAPITRE V

LES ETAPES DE LA MEDITATION

 

 Ajustements émotifs et mentaux.

 Les cinq étapes de l’intellect à l’intuition :

 La Concentration,

 La Méditation,

 La Contemplation,

 L’illumination et l’Inspiration.

 L’emploi des symboles et des images.

 "Que ferais-tu, au-dedans, Anne, ma S.ur ?

 Que ferais-tu au-dedans ?

 Ferme la porte, la fenêtre que personne ne nous voit :

 Que seuls nous soyons

 (Seuls, face à face

 En ce lieu qu’éclaire la flamme !)

 Lorsque, pour là première fois,

 Nous commencerons à nous parler."

 

EVELYN UNDERHILL

 

Nous avons étudié brièvement les objectifs que nous avons en vue lorsque nous cherchons à réorienter l’intellect vers l’âme et que, par l’union ainsi effectuée, nous entrons en communication avec le monde supérieur. Nous cherchons à utiliser l’équipement dont une longue série d’expériences de la vie nous a pourvue et, soit que nous entreprenions le travail du point de vue du dévot mystique, ou du point de vue de l’aspirant intellectuel, certaines conditions fondamentales doivent être remplies, avant de procéder aux exercices. Les paroles du Révèrent R. J. Campbell résument notre histoire et définissent notre tâche. Il dit :

 Dans le dessein de réaliser la nature du Soi, nous avons dû sortir de la demeure éternelle de Dieu, afin de lutter et de souffrir dans l’illusion du temps et des sens. Nous avons à vaincre, avant de pénétrer dans l’éternelle vérité qui gît au-delà de toutes les apparences. Nous avons à maîtriser la chair et à magnifier l’esprit, à mépriser le monde pour le sauver et à perdre la vie pour la trouver.

 Maintenant, considérons la situation et la méthode à laquelle nous devons nous soumettre si nous voulons atteindre le but. Il suffit de mentionner les conditions préliminaires, car elles sont universellement reconnues et sont partiellement remplies par tout débutant, sinon il n’entrerait pas dans cette phase particulière de la séculaire poursuite de la vérité.

 Nous sommes conscients d’une dualité en nous et d’un état de guerre entre les deux aspects qui nous constituent. Nous sommes profondément mécontents de la vie physique dans son ensemble et de notre incapacité de saisir et de comprendre la divine Réalité qui existe, espérons-nous. Elle demeure pour nous un élément de foi et nous voulons la certitude. La vie des sens ne semble pas nous porter assez loin sur le chemin conduisant au but. Nous menons une existence mouvante, parfois portés par nos plus hauts désirs jusqu’à un sommet merveilleux où nous demeurons le temps d’une vision de beauté et puis, nous sommes précipités dans l’abîme de notre entourage quotidien, de notre nature animale et du monde chaotique dans lequel notre destinée nous a placés. Nous pressentons une certitude qui toujours nous échappe ; nous luttons pour un but qui semble hors de nous-mêmes et qui se dérobe à nos efforts les plus frénétiques ; nous combattons dans l’angoisse afin de parvenir à une réalisation que les Saints et les Connaisseurs de la race ont continuellement attestée. Si notre volonté est assez forte, notre détermination persévérante et indomptable, si les anciennes règles et les formules sont comprises, nous pouvons aborder notre problème sous un angle nouveau et utiliser notre acquis mental, au lieu de la demande émotionnelle et du désir fiévreux.

 Cependant, l’activité du cœur a sa place et Patanjali, dans ses Aphorismes, qui ont guidé par centaines les Connaisseurs, dit :

 Les pratiques qui suscitent l’union avec l’âme sont, premièrement, l’aspiration ardente, puis la lecture avec l’esprit et finalement la complète obéissance au Maître.

 1 Bailey Alice A., The Light of the Soul, II, 1, 2.

 Le mot "aspiration" vient du latin "ad" et "spirare" respirer, aspirer à, ainsi

que l’explique Webster, dans son dictionnaire. Le mot "esprit" vient de la même racine. L’aspiration doit précéder l’inspiration. Il doit y avoir une expiration de la part du soi inférieur avant qu’il puisse y avoir une aspiration de la part du principe supérieur. Du point de vue mystique oriental, l’aspiration implique l’idée de feu. Elle dénote un désir brûlant et une détermination ardente qui apporteront finalement trois choses à l’aspirant. Cela projettera une lumière

violente sur ses problèmes et constituera la fournaise purificatrice dans laquelle le soi inférieur doit descendre, afin que toutes les scories soient consumées et détruites ainsi que tous les obstacles qui pourraient le retenir. La même idée de feu se trouve dans tous les livres sur le mysticisme chrétien, et beaucoup de passages de la Bible, d’une nature similaire, nous viennent à l’esprit.

L’acceptation de "porter la croix", "d’entrer dans le feu", de "mourir chaque jour" (peu importe quel symbolisme est employé) constitue la caractéristique du véritable aspirant et, avant que nous puissions nous engager sur le chemin de la méditation, et, par-là, sur les traces des innombrables Fils de Dieu qui nous ont précédés, nous devons mesurer la profondeur et la hauteur de l’entreprise et rassembler nos forces pour l’ascension ardue.

 

Nous devons dire avec J. C. Earle :

 "Je passe le vallon. J’affronte la pente.

 Je porte la croix : la croix me porte.

 La lumière m’emmène à la lumière. Je pleure

 De joie à ce que j’espère voir

 Lorsque, enfin arpentée la hauteur escarpée,

 Pour chaque pas péniblement franchi,

 Je traverse des mondes et des mondes de lumière

 Et perce quelque profondeur plus profonde de Dieu."

 1 Earle, John Charles, Onward and Upward (Oxford Book of English Mystical

Verse), p. 508.

 

Nous partons avec une compréhension émotionnelle de notre but, et, de là, passant à travers le feu de la discipline, nous atteignons les hauteurs de la certitude intellectuelle. Ceci nous est magnifiquement décrit dans la Bible, dans l’histoire de Shadrach, Meshach et Abednego. Nous lisons qu’ils avaient été précipités dans une fournaise ardente et cependant le résultat de cette apparente tragédie est la libération, au milieu d’eux, de la forme d’une quatrième entité dont l’apparence était celle d’un Fils de Dieu. Ces trois amis sont les symboles de l’homme inférieur triple. Le nom "Meshach" signifie "agile", une faculté de l’intellect discriminateur, le corps mental. Shadrach, signifie "qui se réjouit dans la voie", et décrit la transmutation du corps émotionnel et la réorientation du désir vers le Sentier, Abednego signifie "un serviteur du Soleil" et ainsi ressort le fait que la seule fonction du corps physique est d’être le serviteur du Fils (le Soleil), de l’Ego ou âme. (Voyez Daniel, III, 23-24.)

 Il n’y a aucun moyen d’échapper à la fournaise, mais la récompense est proportionnée à l’épreuve.

 La signification de la seconde condition "lire avec l’esprit" doit être aussi comprise. Le mot "lire" est d’une origine très obscure et les philologues croient pouvoir l’attribuer à deux mots : l’un latin reri penser, l’autre sanscrit radh, réussir à. Peut-être les deux idées sont-elles permises car il est certainement vrai que l’homme qui pense avec le plus de succès et qui peut contrôler et utiliser son appareil de pensée est l’homme qui peut réussir le plus facilement à maîtriser la technique de la méditation.

 La prière est à la portée de tous. La méditation n’est possible que pour l’homme mentalement polarisé et ceci est un point sur lequel il convient d’insister car il rencontre fréquemment une vive opposition. Quiconque accepte de se soumettre à une discipline, et à transmuer ses émotions en dévotion spirituelle, peut devenir un saint et nombreux sont ceux qui s’y résolvent. Mais, tous les hommes ne peuvent encore être des connaisseurs, car cela implique, outre les accomplissements du saint, l’utilisation de l’intellect et le pouvoir d’atteindre par la pensée à la connaissance et à la compréhension. Celui-là réussit qui pense et peut utiliser le sixième sens, le mental, pour l’obtention de certains résultats spécifiques.

 En résumé, trois idées fondamentales ressortent : parvenir au succès au moyen de l’intellect, réaliser la perfection, prendre conseil et utiliser tous les moyens d’information afin d’acquérir la connaissance.

 Ceci est fondamentalement ce qu’entend Patanjali quand il emploie l’expression traduite par "lire avec l’esprit". En réalité cela signifie lire avec les yeux de l’âme, avec la vision intérieure, prompte à découvrir ce qui est cherché.

Il est entendu que toutes les formes sont les symboles d’une réalité intérieure ou spirituelle et que lire avec l’esprit suppose le développement de la faculté de "lire" ou voir l’aspect vie que voile et cache la forme extérieure. Ceci s’applique tant à la forme humaine qu’à toute autre forme dans la nature ; toutes les formes voilent une pensée, une idée divine, ou une vérité et sont la manifestation tangible d’un concept divin. Quand un homme sait cela, il commence à lire avec l’esprit, il voit au-delà de la surface et ainsi entre en contact avec l’idée qui a donné naissance à la forme. Comme il s’exerce à considérer les choses sous cet angle, il parvient graduellement à la connaissance de la vérité et n’est plus trompé par les aspects illusoires de la forme. Cela, dans son application la plus pratique, conduit l’homme à nier l’aspect forme qu’assume son frère et à se comporter envers lui sur la base de la divine réalité cachée. Ceci n’est point aisé, mais il est possible d’y parvenir, en s’entraînant à lire avec l’esprit.

 La troisième condition requise est l’obéissance au Maître. Ceci n’est pas une attention servile aux ordres de quelque Maître supposé, fonctionnant mystérieusement derrière la scène, comme tant d’écoles ésotériques le prétendent. C’est beaucoup plus simple. Le Maître réel réclamant notre attention et notre obéissance est le Maître dans le c.ur, l’âme, le Christ intérieur. Ce Maître fait d’abord sentir Sa présence par la "petite voix tranquille" de la conscience, nous incitant à une vie plus haute et moins égoïste, et nous avertissant aussitôt que nous nous écartons de la voie droite. Plus tard, cela est connu comme la "Voix du Silence", la parole venue du "Verbe

Incarné" qui est nous-mêmes. Chacun de nous est un Verbe fait chair. Nous appelons cela, plus tard encore, l’Intuition éveillée. Celui qui étudie la méditation apprend à discerner avec exactitude entre ces trois expressions du Maître. En conséquence, cela exige de la part de l’étudiant, et coûte que coûte  une obéissance implicite, immédiate aux impulsions les plus hautes qu’il puisse enregistrer en tout temps. Quand cette obéissance est effective, elle suscite de la part de l’âme un déversement de lumière et de connaissance. Le Christ y fait allusion dans ces paroles : "Si quelqu’un veut faire la volonté de Dieu, il saura..." (Jean, VII, 17.)

 

Ces trois facteurs, l’obéissance, la recherche de la vérité en toute forme et une aspiration ardente à la libération, sont les trois parties du stade de l’étudiant et doivent précéder la méditation. Elles peuvent n’être pas exprimées dans leur plénitude et leur perfection, mais elles doivent être incorporées à la vie en tant que règles de conduite efficaces. Elles mènent au détachement, une qualité sur laquelle l’Orient et l’Occident insistent. C’est la libération de l’âme, délivrée de l’esclavage de la vie, de la forme et la subordination de la personnalité aux impulsions supérieures. Le Père Maréchal exprime de la façon suivante, l’intention chrétienne à ce sujet :

 Que signifie ce détachement du soi ?

D’abord et clairement, c’est le détachement de l’Ego inférieur et sensible, c’est-à-dire la subordination habituelle du charnel au spirituel, la coordination de la multiplicité inférieure sous une unité supérieure. Et puis, c’est le détachement de "l’Ego vainement glorieux", l’Ego dispersé et capricieux, le jouet des circonstances extérieures, l’esclave de l’opinion fluctuante. La continuité de la vie intérieure ne pourrait s’accommoder d’une unité si fluctuante. Par-dessus tout, c’est le détachement de "l’Ego orgueilleux". Nous devons avoir une compréhension exacte de cela, car l’humilité est justement considérée comme l’une des notes caractéristiques de l’ascétisme et du mysticisme chrétien.

 1 Maréchal Joseph, Studies in the psychology of the Mystics, p. 166.

 Ici, on insiste sur la subordination de la vie physique, émotive et mentale, au divin projet de réaliser l’unité, car le caprice est la qualité de l’appareil sensoriel et l’orgueil, celle de l’intellect. Le processus de la méditation est divisé en cinq étapes, chacune conduisant successivement à la suivante. Nous les étudierons tour à tour, car leur maîtrise nous permettra de suivre l’homme spirituel et conscient, dans sa montée régulière, du domaine du sentiment à celui du savoir et de l’illumination intuitive. Ces cinq étapes pourraient être énumérées comme suit :

 1. La Concentration.

L’acte par lequel nous concentrons notre intellect et ainsi apprenons à en faire usage ;

2. La Méditation.

La concentration prolongée de l’attention, dans toute direction donnée ; la fixation persistante du mental sur une idée déterminée ;

 3. La Contemplation.

Une activité de l’âme, détachée du mental qui est maintenu à l’état quiescent ;

4. L'illumination.

 Le résultat des trois étapes précédentes, impliquant l’apport à la conscience cérébrale du savoir acquis ;

5. L'inspiration.

 Le résultat de l’illumination, tel qu’il se manifeste dans une vie de service.

 Ces cinq étapes conduisent à l’union et à la connaissance directe de la Divinité. Pour la majorité de ceux qui entreprennent l’étude de la méditation, l’étape à envisager pour une durée prolongée, et pratiquement à l’exclusion de toutes les autres, est celle de la concentration, de l’acquisition du contrôle des processus mentaux. Il est à présumer que, dans une certaine mesure, ils possèdent l’aspiration, sinon, ils ne désireraient pas méditer. Signalons, cependant, que l’aspiration n’est d’aucune utilité, si elle n’est soutenue par une volonté forte et accompagnée d’une endurance et d’une persévérance à toute épreuve.

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