LE TIBETAIN

LES ENSEIGNEMENTS DU TIBETAIN

AVERTISSEMENT AU LECTEUR

AVERTISSEMENT AU LECTEUR

 

La dernière fois que j'écrivis sur ce sujet, la guerre en était au point critique ; des doutes subsistaient sur sa durée et sur la possibilité d'une victoire complète, engendrée par les Forces de Lumière. La situation d'aujourd'hui est fort différente. Les Forces du Mal battent déjà en retraite, non seulement sur les plans intérieurs, mais aussi sur le plan physique, la victoire sera complète (Ces pages furent écrites en octobre 1944. Divers passages de l'ouvrage ont subi des mises au point ; le passé a été substitué au présent, pour s'adapter aux conditions actuelles. Quelques passages nettement périmés, ont été supprimés, par exemple dans le problème des minorités, au sujet de l'Inde et du Pakistan, dont la séparation est un fait accompli.).

Reste à savoir si la victoire psychologique égalera en importance la victoire matérielle. Cela dépend comment l'humanité interprétera la nature des problèmes qui se posent et des mesures qu'elle prendra pour garantir la paix, telle que la désirent les gens pratiques, mais acquis aux valeurs spirituelles, telle aussi que la souhaite l'élite libérale de l'humanité. Je me propose d'indiquer aujourd'hui les voies où devraient s'engager nos réflexions et nos projets. A leur tour, ceux-ci devraient se traduire en idées claires sur les problèmes mondiaux et s'exprimer en termes propres à inciter ceux qui ne réfléchissent pas à agir correctement. Ils le feront, si un nombre suffisant de ceux qui prisent les valeurs réelles prononcent les paroles nécessaires avec une force adéquate. Cela exige du courage.

Les problèmes dont l'humanité doit s'occuper pourraient être rapidement énumérés comme suit :

1. LE PROBLEME DE LA RECONSTRUCTION MATERIELLE DU MONDE

La destruction infligée a dépassé de beaucoup les anticipations les plus pessimistes, sans avoir été plus considérable que ne s'y attendaient les hommes clairvoyants et que n'avaient annoncé les prophéties au cours des âges.
Peu des cités importantes de l'Europe sont demeurées intactes et beaucoup d'entre elles étaient en ruines. Une bonne partie des peuples européens se trouvait sans abri. Toute vie privée avait disparu ; les gens se massaient comme du bétail dans les villes et les villages encore debout.

2. LE PROBLEME DE LA REHABILITATION PSYCHOLOGIQUE DES NATIONS

En Europe, y compris la Grande-Bretagne, en Asie et dans le Pacifique, des millions de gens ont souffert presque au-delà des limites de l'endurance et le triomphe de l'esprit est une des plus grandes victoires de cette guerre.
Pareilles nécessités d'endurance doivent prendre fin et un terme doit être apporté aux souffrances de l'humanité. La Paix et la Sécurité comptent parmi les droits fondamentaux de l'homme et ce sont elles que doivent organiser les Nations Unies. Le problème se partage en quatre catégories principales :

a.
Le problème concernant les nations ravagées, occupées par l'Allemagne ou envahies par le Japon, victimes de la guerre et de la destruction par les armées alliées, allemandes ou japonaises, les nations enfin qui ont agonisé sous les méthodes barbares des Forces du Mal, déchaînées dans les peuples allemand et japonais.
b.
Le problème qui se pose aux Nations Unies, demeurées fortes et dont les territoires n'ont pas été violés, ou seulement en partie. Je me réfère ici aux Etats-Unis d'Amérique, au Commonwealth britannique et à l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques. La Grande-Bretagne a cruellement souffert, mais ses alliés, les Dominions, n'ont guère été touchés. La Russie a aussi terriblement souffert dans ses provinces occidentales, mais la majeure partie de son territoire est demeurée indemne. Les Etats-Unis ont le moins souffert, sauf dans certains postes avancés du Pacifique et le besoin d'une réhabilitation au sens où elle est nécessaire ailleurs, s'y fait peu sentir. Le problème de ces peuples riches et puissants est d'agir avec sagesse et intelligence, avec une perception compréhensive, appliquées sans égoïsme à œuvrer pour le bien de tous les peuples de la terre entière.

c.
Le problème qui se pose aux nations demeurées neutres, en particulier aux pays neutres d'Europe. A l'exception de la Suisse, ces pays ont fait, et continueront à faire, l'objet de vives critiques à cause de leur neutralité et de leur attitude soigneusement affichée de spectatrices devant la détresse de l'humanité. Pour se faire pardonner, elles devront pleinement coopérer au sauvetage. Leur sécurité future et leur chance ont été assurées par les sacrifices sanglants d'autres nations, sans leur propre participation. Elles restent débitrices envers les Forces de la Lumière et leur dette doit se régler en services rendus au reste du monde. La Suisse se trouve dans une autre catégorie et demeure à jamais le symbole du service, grâce à l'activité de sa Croix-Rouge, de la coopération, par ses populations italiennes, allemandes et françaises qui réussissent à vivre ensemble en paix, de la démocratie, par sa forme de gouvernement et de la synthèse spirituelle, par les relations entre catholiques et protestants au-dedans de ses frontières. Le problème des républiques sud-américaines est un peu différent. Leurs rapports avec la guerre des autres nations ont été d'une importance relativement faible, sauf pour le Brésil, intervenu activement dans la guerre, aux côtés des Forces de Lumière, et de l'Argentine, dont le gouvernement opta pour les Forces du Mal et leur a offert un lieu de retraite.
d.
Le problème de l'Allemagne et du Japon présente des difficultés toutes spéciales. Du point de vue de la réadaptation psychologique, ces nations offrent une rare opportunité, voire un défi. Beaucoup de compréhension et de sagesse sont requises pour s'y attaquer, une grande liberté à l'égard des mirages – et les nations alliées s'illusionnent – une prompte réfutation des allégations spécieuses des conciliateurs et des pacifistes du monde et, dans bien des cas, l'application d'un traitement rigoureux, si la tranquillité et la sécurité du monde doivent être sauvegardées pour les générations futures. La forme-pensée de l'agression, la pitié pour soi et les doctrines nationales-socialistes sont ancrées si profondément dans la conscience allemande, qu'il faudra des dizaines d'années pour les en arracher.
Je ne cherche pas pour le moment à traiter de ces problèmes, mais seulement à indiquer ce que les nations, partout, doivent regarder en face.

3. LE PROBLEME DES ENFANTS DANS LE MONDE

Comment rendre à ces jeunes êtres le sens de la sécurité, de la stabilité, la foi en un avenir rempli de possibilités et de bonheur ? Comment les éduquer en leur inculquant des idéaux et des objectifs élevés et différents de ceux qui conditionnèrent le passé ? Comment leur donner le sentiment de l'humanité une et indivisible et leur apprendre à coopérer, à manifester à tous de la bonté, d'un cœur plein de bonne volonté ? Comment leur implanter aussi le sentiment de l'intégrité et de l'importance de l'individu, du rôle qu'il peut volontairement jouer dans le groupe ou la vie nationale ? Comment effacer ce qu'ils ont vu et entendu au cours de leurs brèves existences, pour y substituer une vision neuve de la vie humaine ?

Telles sont certaines des possibilités à envisager et les difficultés qui paraissent si considérables, du fait de la guerre, des préjugés invétérés, des nationalismes étroits où ils ont vécu et de l'égoïsme inné de toutes les nations, sans exception, ne sont pas insurmontables. L'avenir dépend des éducateurs du monde ; à eux de prendre en mains la situation présente avec des vues larges et à longue portée, de la sagesse et un solide bon sens. Aux enfants de l'hémisphère occidental, épargnés de façon presque émouvante par la souffrance dont les autres enfants ont été submergés dans le reste du monde, peut-on apprendre à reconnaître qu'ils sont liés à la jeunesse entière, de partout, et qu'ils partagent avec les enfants des autres pays la responsabilité du monde futur ?

4. LE PROBLEME DU TRAVAIL, DU CAPITAL ET DE L'EMPLOI

Interdépendants, ces trois problèmes fort graves touchent de près à la vie économique de chaque nation, au niveau de vie de tout le monde, à l'avenir économique de chacun et aux relations mutuelles fondées sur la bonne volonté entre travail et capital. Les vieilles méthodes doivent être abandonnées ; finies l'exploitation et l'avidité, les immenses fortunes amassées par les chefs, ouvriers ou capitalistes. Ainsi s'établiront de justes relations humaines. Ce problème touche aussi à celui du chômage, jugé si critique et tant redouté, mais qui pourrait, vu l'étendue de la réhabilitation et de la reconstruction à entreprendre, se régler avec un minimum de souffrance et de misère.

Toute la solution dépend de ceci : capitalistes et ouvriers de tous les pays se laisseront-ils convaincre de travailler au bien de l'humanité entière et non à l'avantage de leur parti, de leur groupe, de leur nation ou de leur cause particulière. Voilà la grande difficulté, due aux vieilles haines, à une abondante et mensongère propagande, aux différences nationalistes sincères et à l'avidité de certains groupes importants. Ceux-ci ont concentré entre leurs mains, malgré la guerre, de vastes pouvoirs et ne se laisseront pas persuader, sans lutte, d'y renoncer.

5. LE PROBLEME DES MINORITES RACIALES

Je me réfère ici à deux des plus urgents et des plus menaçants problèmes : celui des Juifs et celui des Nègres. Faute d'une solution à ces deux problèmes raciaux, l'humanité risque la faillite. Ils doivent se résoudre par une collaboration active des minorités avec les majorités écrasantes.

Le problème juif est d'ordre planétaire et fort ancien. Le problème nègre se fait de plus en plus périlleux, car l'intelligence se développe chez les peuples de couleur. Le problème juif devra se régler grâce à une collaboration intelligente entre Juifs et Gentils, agissant de concert et avec bonne volonté. Le problème nègre exige surtout une juste attitude des races blanches, au sein desquelles se trouvent les Nègres. Les Blancs doivent prendre conscience qu'il n'existe qu'un Père, une famille et une humanité. Ce fait admis, il en doit résulter des changements pratiques dans les relations et un agencement correct de la solution. Un effort de coopération sera nécessaire de part et d'autre, mais dans le cas des Nègres, les Blancs surtout sont coupables, pour avoir refusé d'accorder aux Noirs des chances, une compréhension et une éducation égales.

6. LE PROBLEME DES EGLISES

Quelle solution apporter aux rapports compliqués et difficiles entre les Eglises dans le monde entier ? Une présentation nouvelle de la vérité, car Dieu n'est pas traditionaliste ; une voie nouvelle vers la Divinité, car Dieu demeure toujours accessible et n'exige plus aujourd'hui aucun intermédiaire extérieur ; un mode nouveau d'interpréter les antiques enseignements spirituels, car l'homme a évolué et ce qui convenait à l'enfance de l'humanité ne lui convient plus actuellement, où elle est adulte. Ces changements s'imposent.
Rien ne saurait empêcher la nouvelle religion mondiale de se manifester bientôt. Il en a toujours été ainsi à travers les âges et cela continuera oujours. Il n'existe point de finalité dans la présentation de la vérité ; elle se développe et s'amplifie, pour répondre à la croissante exigence de lumière des hommes. La nouvelle religion mondiale sera instaurée et développée par les personnes d'inclination spirituelle de toutes les Eglises, dont l'esprit est ouvert aux inspirations nouvelles de l'Amour et de la Pensée de Dieu, par les personnes d'esprit large et bienveillant, dont l'existence personnelle est pure et consacrée.
La nouvelle religion rencontrera les obstacles dressés par les traditionalistes, les gens étroits, les théologiens, par tous ceux qui sont attachés aux anciennes méthodes et interprétations, aux vieilles doctrines, aux idées professées par les hommes, par ceux qui tiennent aux formes, aux rites, aux cérémonies, à la pompe, à l'autorité, aiment à édifier des temples en pierre, en face du désespoir extrême de l'homme d'aujourd'hui, devant sa faim et sa misère.

A l'Eglise catholique s'offre une chance immense et l'occasion aussi de sa plus grave crise. Le catholicisme, fondé sur l'antique tradition, affirme l'autorité ecclésiastique ; attachée aux formes extérieures, ritualiste, malgré sa vaste et bienfaisante philanthropie, elle se montre tout à fait incapable de laisser la liberté à ses ouailles. Si l'Eglise catholique peut modifier sa technique, relâcher son autorité sur les âmes humaines (qu'elle n'a jamais réellement possédé) pour suivre vraiment la voie du Sauveur, l'humble charpentier de Nazareth, elle rendra au monde un service signalé et donnera un exemple destiné à éclairer les spectateurs de toutes les croyances et de toutes les confessions chrétiennes. Le problème de la liberté de l'âme humaine et de sa relation individuelle avec Dieu immanent et transcendant est un problème spirituel, qui se pose maintenant à toutes les religions du monde. Les Eglises ne doivent plus interposer leur autorité et leurs interprétations entre Dieu et l'homme. Cette époque est passée.
Ce problème a surgi lentement à travers les siècles, s'est développé avec la croissance de l'intellect et de l'auto-conscience de l'être humain, et il exige maintenant à grands cris sa solution.

7. LE PROBLEME DE L'UNITE INTERNATIONALE

Le but à viser doit être le bien de tous, grands et petits, dans la justice et l'équité totales. Le fond du problème est économique et implique une juste distribution. Il faut libérer le monde de la misère et les produits de la planète doivent appartenir à tous, selon un sage système de participation générale. Il faut que tous les hommes mangent et vivent libres de l'angoisse et de la crainte.
Il ne s'agit pas d'une utopie gratuite de visionnaire. Une sage administration dans le domaine économique et la distribution des denrées de première nécessité résoudraient le problème. Il exigera de tous les chefs une ferme attitude, afin que les possédants consentent à partager avec ceux qui n'ont rien et pour supprimer l'exploitation du surplus des produits de la terre au bénéfice financier de quelques-uns. Une distribution juste et correctement planifiée du blé, de l'huile, des minerais et des denrées alimentaires nécessaires doit être entreprise par toutes les nations, au profit de tous.

L'alternative est une autre guerre

Il existe forcément bien des problèmes de moindre importance. Mais ceux-ci sont les principaux qui se posent actuellement à l'humanité et auxquels une solution doit être apportée au cours des quinze années à venir. Si nul progrès n'était accompli, si une solution, au moins partielle, n'était pas trouvée, si, en outre, l'humanité retombait dans les conditions existantes avant le conflit, alors rien ne saurait arrêter la prochaine guerre. Si elle éclate, elle portera le coup fatal et définitif à la race humaine. L'humanité, comme nous la connaissons, ne pourrait survivre et il ne serait ni bon ni juste qu'elle survécût. La mort d'une race pourrait alors être décrétée et le long processus du développement d'une race d'hommes exprimant enfin la divinité devrait reprendre du commencement. Et ce ne sont pas là paroles vaines, mais l'expression d'une possibilité facile à se représenter, mais dont la matérialisation n'est pas inévitable, si l'humanité apprend la leçon enseignée par la dernière guerre, reconnaît ses erreurs et entreprend délibérément des démarches pour rendre impossible un événement semblable à la dernière guerre (1914-1945). Elle doit y parvenir par cette simple méthode (simple à décrire, mais difficile à appliquer) : l'établissement de justes relations humaines entre individus et entre nations.

J'ai indiqué sept problèmes, dont l'homme doit s'occuper. Ils se rapportent aux domaines matériel et psychologique de l'activité humaine. Dans ces termes sont inclus les domaines éducatifs et ecclésiastiques. On me permettra d'indiquer encore la question spirituelle immédiate que nous devons tous envisager. Comment dissiper peu à peu la haine, tout en inaugurant la nouvelle technique de la bonne volonté exercée, imaginative, créatrice et pratique ?

La technique de la bonne volonté

La bonne volonté est la première tentative de l'homme pour exprimer l'amour divin. Ses résultats seront la paix sur la terre. D'un moyen si simple et si pratique, les hommes ne réussissent pas à mesurer le pouvoir, ni l'effet scientifique et dynamique. Dans une famille, une seule personne pratiquant la bonne volonté peut transformer complètement les attitudes. La bonne volonté, pratiquée véritablement dans les groupes, au sein de n'importe quelle nation, des partis politiques ou religieux dans n'importe quel pays et dans tout le monde, peut révolutionner la terre entière en quinze ans. Je réitère qu'il ne s'agit pas là d'une déclaration oiseuse, mais d'une technique, qui n'a jamais encore été appliquée sur une vaste échelle.

Réfléchissons à ces problèmes, pour arriver à formuler clairement nos propres idées sur ces questions. Ensuite, nous devrions avoir le courage d'en parler et de proposer leur solution dans notre propre milieu, sans fanatisme, mais avec sagesse et discrétion.

Dans un ouvrage précédent, au sujet de l'humanité, j'ai donné la clé du problème en ces termes :

"La clé des difficultés de l'humanité, convergeant dans les troubles économiques des deux cents dernières années et dans l'impasse théologique des églises orthodoxes, se trouve dans le fait qu'elle a pris sans donner, accepté sans partager, accaparé sans distribuer. Cela implique la transgression d'une loi et a placé l'humanité dans une situation de coupable reconnu. La guerre est l'effroyable châtiment encouru par l'humanité pour son grand péché de séparativité. Les impressions transmises par la Hiérarchie ont été défigurées, appliquées à rebours et mal interprétées ; aussi la tâche du Nouveau Groupe des Serviteurs du Monde est-elle de compenser ce mal." 

L'humanité n'a jamais conformé sa vie à l'enseignement reçu. L'inspiration spirituelle venue de Christ, de Krishna ou de Bouddha et répandue dans les masses par leurs disciples, n'a pas encore trouvé l'expression espérée. Les hommes ne vivent pas selon les principes qu'ils connaissent déjà, ils ne pratiquent point ce qu'ils savent, ils court-circuitent la lumière, ils ne se disciplinent point. La convoitise et l'ambition déréglée les gouvernent et non la connaissance supérieure. En termes scientifiques et ésotériques, l'impression spirituelle a été interrompue et une interférence s'est produite dans la circulation du courant divin. Le devoir des disciples en ce monde consiste à rétablir le courant et à faire cesser cette interférence. Tel est le principal problème à envisager en ce moment par ceux qui vivent sur le plan spirituel.