CHAPITRE III — LA THEORIE DU CORPS ETHERIQUE

CHAPITRE III

 

 LA THEORIE DU CORPS ETHERIQUE

 

Le psychologue oriental commence par ce que l'Occident considère comme hypothétique. Il insiste sur la nature spirituelle de l'homme et pense que la nature physique elle-même est le résultat d'une activité spirituelle. Il affirme que tout ce qu'on voit objectivement n'est que la manifestation extérieure d'énergies subjectives et intérieures. Il considère tous les mécanismes du cosmos et de l'homme comme des effets et pense que la science ne traite que d'effets. Sa position peut être résumée comme suit :

Premièrement : Il n'y a rien d'autre que l'énergie ; elle fonctionne au moyen d'une substance qui interpénètre et crée toutes les formes et qui est semblable à l'éther du monde moderne. La matière est énergie ou esprit dans sa forme la plus dense, et l'esprit est la matière dans son aspect le plus subtil.

Deuxièmement : Comme toutes les formes sont interpénétrées par l'éther, chaque forme possède une forme éthérique ou corps éthérique.

Troisièmement : De même que le minuscule atome a un noyau positif, ou des noyaux positifs, ainsi que des aspects négatifs, de même dans chaque corps éthérique se trouvent des centres positifs de force au milieu de la substance négative. L'être humain possède aussi un corps éthérique, positif par rapport au corps physique négatif, qui pousse ce corps à l'action et agit comme force de cohésion, le maintenant en existence.

Quatrièmement : Le corps éthérique de l'homme a sept principaux noyaux d'énergie à travers lesquels s'écoulent diverses sortes d'énergie, produisant son activité psychique. Ces noyaux sont apparentés au système cérébro-spinal, et la base de l'activité psychique ou siège de l'âme se trouve dans la tête. Le principe régissant l'ensemble se trouve donc dans la tête et, de ce centre, tout le mécanisme devrait être dirigé et vitalisé au moyen des six autres centres de force.

Cinquièmement : Certains centres seulement fonctionnent actuellement chez l'homme ; les autres ne sont pas encore éveillés.
Chez un être humain devenu parfait, tous les centres sont actifs et amènent un développement psychique parfait et un parfait mécanisme.

L'importance que l'Orient accorde à l'énergie spirituelle, et celle que l'Occident donne à la structure ou au mécanisme justifient pleinement la nature psychique de l'homme, tant de ses aspects supérieurs que de ses aspects inférieurs.

Si on veut faire fusionner la conception vitaliste orientale, et la conception mécaniste occidentale, et ainsi franchir le fossé qui les sépare, il faut démontrer l'existence du corps éthérique.

Le système oriental est abstrus et complexe ; il ne peut être résumé.

Cependant, il faut pourtant en faire une brève introduction et indiquer ses grandes lignes ; ce sera là un travail incomplet, mais nous aurons cependant une idée générale de ce système, qui nous permettra de poursuivre cette étude.

Dans cet exposé, nous ne répéterons pas chaque fois que "le psychologue oriental pense", que "les Orientaux déclarent" et autres formules semblables. Il suffit de reconnaître une fois pour toutes et délibérément que la pensée orientale doit être présentée à l'Occident comme une hypothèse, qu'elle doit être mise à l'épreuve, ce qui démontrera sa valeur ou la fera rejeter.

Après cette introduction, nous allons décrire les grandes lignes de la théorie orientale.

Il existe une substance universelle, source de tout, si subtile, si affinée qu'elle est vraiment au-delà de ce que l'intelligence humaine peut réellement saisir. Comparés à cette substance, les parfums les plus délicats, l'éclat des rayons du soleil, la gloire pourprée du soleil couchant ne sont que matière grossière et terrestre. C'est "un tissu de lumière" toujours invisible à l'œil humain.

Le terme "substance" qui suggère quelque chose de matériel est mal approprié. Il est bon cependant de le reporter à ses racines latines, "sub" qui signifie dessous et "stare" qui veut dire se tenir. Ainsi donc, la substance est ce qui se trouve au-dessous, ce qui est sous-jacent.

Toute subtile et fugace qu'elle soit, cette substance universelle est cependant, dans un certain sens, plus dense que la matière même. Si l'on pouvait concevoir un agent en dehors de la substance universelle – hypothèse contraire à tous les faits et toutes les possibilités – et si un tel agent cherchait à comprimer la substance universelle ou à l'influencer de quelque autre manière de l'extérieur, on découvrirait alors que la substance est encore plus dense que n'importe quel autre matériel connu.

Inhérente à la substance et formant contrepartie il y a la vie, la vie qui ne cesse jamais. La vie et la substance sont une seule et même chose, à tout jamais inséparables, mais cependant des aspects différents de la même réalité. La vie est l'électricité positive, et la substance, la négative. La vie est dynamique, la substance statique. La vie est activité ou esprit, la substance est forme ou matière. La vie est le père qui engendre, la substance est la mère qui conçoit.

Outre ces deux aspects, vie et substance, il y en a un troisième. La vie est activité théorique ou potentielle ; elle a besoin d'un champ d'action, la substance ; de l'union de la vie et de la substance surgit la flamme de l'énergie active.

Ainsi nous avons une seule réalité la substance universelle et, en même temps, une dualité, la vie et la substance, et une trinité, la vie, la substance et l'activité réciproque qui en résulte, ce que nous appelons conscience ou âme.

Le monde manifesté tout entier provient de l'énergie et des facteurs concomitants, la substance et la conscience. Tout ce que nous pouvons voir, du grain de sable le plus petit à l'immensité des cieux étoilés, du sauvage au Bouddha ou au Christ, est le produit de l'énergie. La matière est l'énergie dans sa forme la plus dense ou la plus basse ; l'esprit est cette même énergie dans sa forme la plus haute ou la plus subtile. La matière est donc l'esprit descendant et dégradé ; réciproquement, l'esprit est la matière ascendante et glorifiée. 

En devenant plus dense, l'énergie descend dans sept degrés ou plans.
L'homme en manifeste trois. Il a un corps physique, un corps émotionnel et un corps mental ; il fonctionne par conséquent sur trois plans, il est conscient sur trois plans, les plans physique, émotionnel et mental. Il est sur le point de reconnaître un quatrième facteur, plus élevé, l'Ame, le Soi, et bientôt il en prendra conscience. Il n'est pas utile de traiter ici des trois plans supérieurs.

Chacun des sept plans est subdivisé en sept sous-plans. Nous ne traiterons ici que des sept sous-plans du plan le plus bas, le plan physique.

Tout le monde connaît les trois sous-plans du plan physique, les sous-plans solide, liquide et gazeux, par exemple la glace, l'eau et la vapeur. En outre, il y a quatre sous-plans plus subtils, ou plutôt quatre différentes sortes d'éther ; ils coexistent avec chacun des trois sous-plans bien connus et les interpénètrent.

Le corps physique de l'homme ne fait pas exception. Il a lui aussi sa contrepartie éthérique, son corps éthérique positif alors que le corps physique dense est négatif. Le corps éthérique est le facteur de cohésion qui maintient le corps physique en vie.

La contrepartie éthérique d'un homme ou de n'importe quelle chose physique est faite de substance universelle, de vie universelle et d'énergie universelle ; elle fait partie de ces trois éléments mais elle ne jouit pas d'une existence indépendante et n'est pas autosuffisante. Elle est alimentée par le réservoir d'énergie universelle, dont elle a la vie le mouvement et l'être. C'est donc au moyen du corps éthérique que fonctionne l'énergie.

C'est également vrai de l'homme. L'énergie universelle fonctionne à travers son corps éthérique. Comme l'homme existe sur sept plans, le corps éthérique a donc sept points de contact avec l'énergie ; mais, comme trois plans seulement sont en activité, les quatre autres étant encore en sommeil il n'y a donc que trois centres de force qui sont complètement développés et quatre qui ne le sont pas encore. Nous en reparlerons plus loin.

En tentant de rapprocher les deux écoles, on se pose naturellement la question : la science occidentale corrobore-t-elle la théorie orientale ?

Un savant aussi remarquable que Isaac Newton accepte sans discuter l'existence de l'éther comme intermédiaire universel. Dans le dernier paragraphe de son ouvrage "Principia", il écrit :

"Nous pourrions ajouter quelque chose concernant un certain esprit des plus subtils qui pénètre et se trouve dans tous les corps ; par sa force et son action, les particules des corps s'attirent mutuellement à petite distance et s'assemblent si elles sont contiguës ; les corps électriques opèrent à de plus grandes distances, repoussant aussi bien qu'attirant les corpuscules voisins ; la lumière est émise, reflétée, réfractée, réfléchie, et chauffe les corps ; toutes les sensations se trouvent stimulées, et les membres des corps animaux se meuvent et obéissent aux ordres de la volonté par les vibrations de cet esprit qui sont propagées le long des filaments des nerfs, des organes extérieurs des sens au cerveau, et du cerveau aux muscles. Mais ces choses ne peuvent pas être expliquées en quelques mots, et nous n'avons pas à notre disposition assez d'expériences pour déterminer et démontrer avec rigueur les lois qui régissent l'activité de cet esprit électrique et élastique."

Newton reconnaissait donc l'existence du corps éthérique sous-jacent à toutes les formes y compris la forme humaine.

Comme Newton n'est plus, consultons une récente édition de "Encyclopaedia Britannica" (1926). Ce qui suit est intitulé "Ether".

"Sous une forme ou sous une autre, on a souvent débattu la question de savoir si l'espace constitue une simple abstraction géométrique, ou s'il a des propriétés physiques définies qui peuvent être examinées. En ce qui concerne les parties occupées par la matière, c'est-à-dire de substance qui fait appel aux sens, il n'y a jamais eu aucun doute ; on peut dire que toute la science n'est que l'étude des propriétés de la matière. Mais de temps à autre on s'est penché sur les portions intermédiaires de l'espace où la matière tangible est absente ; car elles ont aussi des propriétés physiques auxquelles on a à peine commencé à s'intéresser.

Ces propriétés physiques ne relèvent pas directement des sens et sont donc relativement obscures ; on ne peut douter de leur existence même dans les milieux où l'on préfère encore utiliser le terme "espace". Mais un espace doué de propriétés physiques est davantage qu'une abstraction géométrique ; il est plus facile d'y penser comme à une réalité substantielle pour laquelle un autre nom serait donc plus approprié. Le terme utilisé importe peu, mais il y a longtemps qu'on avait inventé le terme ETHER ; Isaac Newton l'avait adopté et nous pouvons l'employer nous aussi. Ce terme signifie donc l'existence d'une véritable entité qui occupe tout l'espace, sans interruption, unique réalité physique omniprésente, que l'on considère de plus en plus comme ce en quoi consiste toute chose dans l'univers matériel ; la matière elle-même n'est probablement que l'une de ses modifications (...).

Ainsi un éther est nécessaire pour transmettre ce qui est appelé force de gravitation entre deux fragments de matière et aussi dans le but, plus important et universel, de transmettre des ondes de radiation entre différents fragments de matière, si petits et si éloignés soient-ils (...).

On ne peut probablement pas exprimer les propriétés de l'éther en fonction de la matière ; mais, puisque nous n'avons rien de mieux, nous devons procéder par analogie et pouvons parler de l'élasticité et de la densité de l'éther comme étant ce qui, s'il s'agissait de matière, serait appelé de ces noms-là. Nous ne savons pas encore ce que ces termes expriment réellement ; mais si, comme on pense maintenant que c'est probable, la matière atomique est une structure de l'éther, on a toutes les raisons de dire que, en un certain sens, l'éther est bien plus dense que n'importe quelle substance matérielle connue.

La matière peut donc être comparée à une structure de réseaux dans un milieu très substantiel (...)"

Ces vues sont reprises et commentées par d'autres savants réputés.

Le Dr Burtt cite dans les termes suivants Henry More, savant platonicien du 17ème siècle :

"Je demande donc s'il serait indigne d'un philosophe de demander à un autre philosophe s'il n'existe pas dans la nature une substance incorporelle qui, tout en pouvant imprimer à un corps toutes les qualités du corps, ou du moins la plupart d'entre elles, comme le mouvement, la forme, la position des éléments le composant, etc. serait en outre capable (puisqu'il est presque certain que cette substance déplace et arrête les corps) d'ajouter tout ce qu'implique de semblables mouvements ; c'est-à dire unir, diviser, disperser, lier, former de petits fragments, ordonner les formes, les animer d'un mouvement circulaire si elles en sont capables, ou les mouvoir de n'importe quelle manière, arrêter leur course circulaire, et faire avec elles ce qui serait nécessaire pour produire, selon vos principes, la lumière, les couleurs et les autres objets saisis par les sens (...). Finalement, une substance incorporelle ayant le pouvoir merveilleux d'assembler et de dissiper la matière, de la combiner, de la diviser, de la projeter en avant et en même temps d'en garder la maîtrise en restant elle-même, sans liens, sans projections ni autres instruments ; n'est-il pas probable que cette substance puisse rentrer de nouveau en elle-même, puisqu'il n'y a rien qui la rende imperméable, et qu'elle puisse se dilater de nouveau et recommencer."

Commentant la position d'Henry More, E. A. Burtt ajoute :

"Dans ce passage, More poursuit son raisonnement en partant de l'existence d'une substance incorporelle chez les êtres humains et passe à la supposition de l'existence d'une substance incorporelle semblable mais plus vaste dans la nature considérée comme un tout, car il était convaincu que les faits scientifiques montraient que la nature n'est pas plus une simple machine que ne l'est un être humain." (Burtt Edwin Arthur, Metaphysical Foundations of modern physical science.)

Ecrivant également au 17ème siècle, Robert Boyle proposa la même hypothèse et dotait l'éther de deux fonctions : propager le mouvement par des impulsions successives, et être un intermédiaire par lequel se manifestent de curieux phénomènes tels que le magnétisme. Il disait :

"Ceux qui affirment l'existence d'une semblable substance dans l'univers apporteront probablement comme preuves plusieurs phénomènes dont je vais parler ; mais je ne traiterai pas de l'existence d'une matière correspondant exactement aux descriptions qu'ils font du premier et du second élément, bien que diverses expériences semblent prouver l'existence d'une substance éthérée très subtile et assez diffuse."

En revenant aux temps modernes, William Barrett dit :

"L'univers nous montre, par un ensemble de phénomènes physiques, vitaux et intellectuels, que le lien qui existe entre le monde de l'intellect et celui de la matière est le monde de la vitalité organisée, occupant tout le règne animal et végétal ; par lui, d'une manière incompréhensible pour nous, des mouvements prennent naissance parmi les molécules de matière, d'un caractère tel qu'ils semblent les placer sous le contrôle d'un agent autre que physique, transcendant les lois ordinaires qui règlent les mouvements de la matière inanimée ; en d'autres termes, il donne naissance à des mouvements qui ne résulteraient pas de l'action de ces lois. Ce principe implique, par conséquent, l'origine de la force." (Barret William, On the threshold of the Unseen.)

L'enseignement de l'Orient considère le corps vital comme l'intermédiaire entre le physique et l'intellect ; il agit comme organe du mental dans l'être humain, et du Mental universel dans un système solaire. Il est intéressant de remarquer, à ce propos, l'énumération que fait W. Barrett : "physique, vital et intellectuel". Olivier Lodge a souvent été critiqué pour ses idées au sujet de la communication entre les vivants et les morts ; mais en ce qui concerne la science pure, il est au premier rang des savants de son temps. Il dit :

"Que dire de l'éther qui maintient ensemble les atomes, qui les soude, qui est essentiel à la configuration caractéristique d'un corps, et qui est aussi essentiel que la matière elle-même ?

Nous ne nous occupons généralement pas de l'aspect éthérique d'un corps ; nous n'avons aucun organe, aucun sens qui nous permette de l'évaluer ; nous ne saisissons directement que la matière. Nous la saisissons clairement lorsque nous sommes des enfants, mais, en grandissant, nous en supposons l'existence ; du moins, certains de nous le font. Nous savons qu'un corps ayant une certaine forme ne peut exister sans les forces de cohésion, ne peut donc exister sans l'éther. Nous entendons donc maintenant par éther non pas la totalité mais la partie immatérielle, siège de la tension et réceptacle de l'énergie potentielle, la substance dans laquelle se trouvent les atomes de matière. Non seulement il existe un corps matériel, mais il y a aussi un corps éthérique ; tous deux coexistent." (Lodge Oliver, Ether and Reality.)

O. Lodge traite encore de ce même sujet dans un article qui parut dans le Hibbert Journal ; il y fait des suggestions et tire des conclusions du plus haut intérêt :
"La lumière est un attribut de l'éther. La lumière est à l'éther ce que le son est à la matière (...). Assujetti à toutes les lois du temps et de l'espace, entièrement soumis aux lois de l'énergie, en grande partie source de l'énergie terrestre, gouvernant toutes les manifestations des forces physiques, à la base de l'élasticité, de la ténacité et de toute autre propriété statique de la matière, l'éther commence seulement à prendre sa juste place dans le schéma de la physique (...).
Les charges électriques, composées d'éther modifié, seront reconnues comme étant le matériel de construction cosmique (...). Il existe une grande quantité d'éther non différencié qui emplit tout l'espace et dans lequel se produit tout ce qui est matériel. A travers toute la physique se trouve la dualité : matière et éther.
Toute énergie cinétique appartient à ce que nous appelons matière, que ce soit sous la forme atomique ou corpusculaire ; le mouvement ou la locomotion le caractérise. Toute énergie statique appartient à l'éther non modifié et universel ; ses caractéristiques sont la tension et l'effort. Sans cesse, l'énergie passe et repasse de l'un à l'autre, de l'éther à la matière et vice-versa, et c'est dans ce passage que le travail s'accomplit.

Il est probable que tout objet tangible possède à la fois une contrepartie matérielle et une autre éthérique. Nos sens n'ont conscience que d'un seul aspect ; il nous faut déduire l'autre. Mais la difficulté de percevoir cet autre aspect – la nécessité d'inférer indirectement – dépend surtout de la nature des organes sensoriels, lesquels nous renseignent sur la matière mais non sur l'éther. Et pourtant l'un est aussi réel et substantiel que l'autre, et leurs qualités fondamentales sont la coexistence et l'interaction. Non pas l'interaction toujours et partout, car beaucoup de zones sont sans matière, bien qu'il n'y ait pas de zone sans éther. Mais partout prévaut la potentialité d'interaction et souvent sa réalité est évidente ; elle constitue l'ensemble de nos expériences du monde."

Dans une note supplémentaire à cet article, l'auteur ajoute :

"L'éther appartient au cadre physique des choses et personne ne pense qu'il est une entité psychique, mais il tend probablement à servir des objectifs psychiques, tout comme le fait la matière. Les professeurs Tait et Balfour
Stewart supposaient et donnaient, déjà en 1875, à l'éther de l'espace une signification psychique ; dans un ouvrage très critiqué, "l'Univers invisible", ils le considéraient d'un point de vue religieux. Dans son article sur l'"Ether" qui parut dans la neuvième édition de l'Encyclopaedia Britannica, le grand mathématicien et physicien James Clerk Maxwell concluait par une expression de foi, non envers cette hypothèse, pour laquelle il se montrait très prudent, mais envers l'existence réelle d'un moyen de liaison universel suprasensible, et à la probabilité qu'il ait un grand nombre de fonctions insoupçonnées."

Le Dr Sajous, professeur d'endocrinologie à l'Université de Pennsylvanie, affirme sa croyance en ce moyen universel, dans les termes suivants :

"La nécessité d'un moyen fondamental et intelligent, créateur et doué de coordination s'affirme de tous côtés (...).

L'éther, tel qu'interprété par les milieux scientifiques, remplit toutes ces conditions et c'est le seul moyen connu de la science qui soit capable de le faire. Il est invisible, il pénètre en toute matière et se répand dans l'espace par des mouvements d'ondes, et dans l'univers il n'a pas de limites. Il n'offre pratiquement aucune résistance à l'énergie rayonnante, ni même à la lumière du soleil et des étoiles les plus lointaines qu'on a pu découvrir. C'est
le moyen qui transmet les ondes "radio", les ondes de la télégraphie sans fil, les rayons de Becquerel, les rayons X ou de Roentgen, etc. 

L'éther est doué d'un pouvoir créateur dans l'espace et sur la terre (...). Par conséquent, l'éther de l'espace construit les systèmes solaires comme il construit la matière, avec intelligence et coordination, et il dote tous les éléments chimiques des propriétés que nous leur connaissons (...)" (Sajous Ch., Strength of religion as shown by science.)

C. E. M. Joad, de l'Université d'Oxford, nous dépeint les activités de cette force vitale, de cet "état de vie" qui anime la matière, et il nous montre le rapport entre la vie et la forme. Il approche vraiment de très près la théorie orientale de la contrepartie éthérique et de l'énergie qui fonctionne par elle.
"La force de vie. Supposons que, tout d'abord, l'univers soit purement matériel. C'était le chaos, sombre, sans vie sans énergie et sans but. Dans cet univers inorganique, à un certain moment, s'introduisit, d'une source ignorée, un principe de vie ; par le terme "vie", je veux dire quelque chose qui ne soit pas explicable en termes de matière.
Aveugle et trébuchant, au début, simple poussée ou impulsion instinctive, ce principe cherche ensuite à s'exprimer en luttant pour parvenir à un degré de conscience toujours plus élevé. Nous pouvons considérer le but ultime de la force de vie comme l'achèvement d'une conscience totale et universelle, qui ne pourra être obtenu que par une pénétration de tout l'univers par la vie et l'énergie, de sorte qu'ayant commencé par être un monde de "matière", l'univers puisse finir par être un monde de "mental" ou "esprit". Dans la matière et au moyen de la matière, ce principe travaille dans ce but, infusant et pénétrant la matière de son propre principe d'énergie et de vie. A la matière ainsi infusée, nous donnons le nom d'organismes vivants qui doivent être considérés comme des [20@68] instruments que la force de vie crée afin de parvenir à ses objectifs. Comme l'univers lui-même, chaque organisme vivant est formé d'un substratum de matière animé par la vie, de manière assez semblable au fil chargé d'un courant électrique.
C'est un courant de vie isolé dans un fragment de matière.

La force de vie est loin d'avoir tous les pouvoirs. Elle est limitée par la matière qu'elle cherche à dominer : ses méthodes sont de nature expérimentale, changeant suivant le stade d'évolution dans les organismes qu'elle a créés. Son dessein, à des stades différents, est mieux servi par des catégories d'êtres différentes." (Joad C. E. M, Mind and Matter.)

Will Durant, sans aucun doute l'auteur dont les ouvrages philosophiques sont les plus répandus, dit ceci :

"Plus nous étudions la matière et moins elle nous apparaît comme étant fondamentale, et plus aussi nous la percevons comme étant simplement le côté extérieur de l'énergie, tout comme notre chair est l'aspect extérieur de la vie et du mental (...). Dans le cœur de la matière, lui donnant forme et pouvoir, se trouve quelque chose qui n'est pas matériel, qui possède sa propre spontanéité et sa propre vie ; cette vitalité subtile, cachée et pourtant toujours révélée est l'essence finale de tout ce que nous connaissons (...). En premier et intérieurement, il y a la vie ; la matière, coexistant avec elle dans le temps et inextricable dans l'espace, lui est inférieure en essence, en logique et en importance ; la matière est la forme et le côté visible de la vie (...).

La vie n'est pas une fonction de la forme, la forme est un produit de la vie ; le poids et la solidité de la matière sont le résultat et l'expression de l'énergie intra-atomique, et chaque muscle ou chaque nerf du corps est l'instrument modelé du désir." (Durant W, Mansions of Philosophy.)

Ces savants montrent que la doctrine orientale qui considère le corps éthérique comme l'intermédiaire d'une force vitale, de l'énergie ou de la vie, n'est pas le rêve vague d'un peuple porté au mysticisme, mais un fait naturel pour de nombreux chercheurs occidentaux ayant le sens pratique.

Nous pourrions résumer ainsi nos idées :

Derrière le corps objectif se trouve une forme subjective formée de matière éthérique qui agit comme conducteur du principe de vie, ou énergie, ou prana. Ce principe de vie est l'aspect force de l'âme ; l'âme anime la forme au moyen du corps éthérique, lui donne ses qualités et attributs particuliers, imprime sur elle ses désirs et finalement la dirige par l'activité du mental. L'âme, par l'intermédiaire du cerveau, pousse le corps à l'activité consciente, et, par l'intermédiaire du cœur, toutes les parties du corps se trouvent pénétrées de vie.

Cette théorie est très proche de la théorie animiste occidentale et nous y reviendrons. Jusqu'à présent, on s'est contenté du terme "animisme" ; mais il est probable qu'il sera remplacé par celui de "dynamisme" en raison des développements de la conscience humaine elle-même. L'homme étant maintenant une entité pleinement consciente de soi, sa personnalité fonctionnant comme un tout intégré, le temps est venu où il peut faire preuve, pour la première fois, de desseins conscients et de volonté directrice.

Les trois états de la nature humaine auxquels on se référait au début de ce chapitre – physique, sensible et mental – forment pour la première fois dans l'histoire de la race humaine une unité coordonnée.

Le soi directeur peut donc maintenant imposer sa maîtrise, et, au moyen du mental agissant sur le corps vital ou éthérique et ayant son point de contact dans le cerveau, il peut conduire son instrument à une expression entièrement contrôlée et à l'activité créatrice subséquente. Ainsi émergera ce que Keyserling appelle le "Soi le plus profond". Il dit :

"La prochaine question est de savoir si et comment il est possible de développer le Soi profond. Lorsque nous parlons de l'Etre d'un homme en le distinguant de ses capacités, nous voulons dire son âme ; et lorsque nous disons que cet Etre prend une décision, nous voulons dire que toutes ses expressions sont imprégnées de vie individuelle, que chaque expression particulière rayonne la personnalité, et que cette personnalité est, en dernière analyse, responsable. Une telle pénétration peut être accomplie là où elle n'existe pas encore. La chose est possible grâce au fait que l'homme, ayant un mental et une âme, constitue une connexion de sens dans laquelle sa conscience se meut librement. Il est libre d'insister là où il le désire ; selon la "place" où l'homme a dirigé son attention, l'organisme psychique trouvera un nouveau centre d'Etre. Par conséquent, si la recherche théorique montre qu'il dépend de là où est concentrée sa conscience qu'un homme ait son centre dans son Etre ou à la superficie, il doit être alors possible en pratique de provoquer le processus de déplacement nécessaire. Il en résulte qu'en principe chacun peut parvenir à son Etre ; pour y parvenir, il lui suffit de mettre l'accent avec persévérance sur son Etre essentiel, de s'obliger à ne jamais exprimer que ce qui est compatible avec son Etre intérieur. C'est certainement là une tâche ardue.
Non seulement le processus est très lent, mais il demande aussi une technique spécifique." (Keyserling Hermann, Creative Understanding.)

Lorsque la psychologie orientale et la psychologie occidentale auront fusionné et que la relation des glandes au corps vital avec ses centres de force aura été étudiée et comprise, alors sera hâtée pour l'homme la possibilité de fonctionner comme âme, comme synthèse de mécanisme, de vie, de dessein et de volonté. A ce propos, Hocking parvient à la conclusion suivante :

"Il semble qu'il y ait des raisons d'espérer un meilleur futur physique de la race humaine à l'aide d'une saine hygiène mentale. Terminée l'ère des charlatans et, dans une certaine mesure, avec leur aide, il semble qu'il sera possible d'étendre graduellement la maîtrise du soi, puisque le caractère spirituel d'une discipline telle que le Yoga rejoint les simples éléments de la psychologie occidentale et une saine éthique. Aucun d'eux n'a beaucoup de valeur sans les autres." (Hocking W E, Self Its body and freedom.)

Avant de passer à l'examen des enseignements orientaux au sujet des centres de force, deux points méritent notre attention. L'un considère la nature de l'âme, et l'autre est un essai pour considérer les témoignages des siècles passés au sujet du siège probable de l'âme.