CHAPITRE VII — L'INTUITION ET L'ILLUMINATION

CHAPITRE VII

L'INTUITION ET L'ILLUMINATION

 

 

L’intellect illuminé, la perception intuitive et la vie inspirée.

La connaissance mentale de "l’Etre plus profond".

Définition de l’intuition.

Coordination de l’Ame, de l’intellect et du cerveau.

Réalisation du cinquième règne dans la nature.

Et Dieu dit :

Que la Lumière soit ;

Et la Lumière fut.

 LA BIBLE.

 

Nous avons posé en principe qu’en Occident, les méthodes modernes d’éducation avaient familiarisé l’homme avec l’idée qu’il possède un intellect ; elles lui en ont inculqué une appréciation telle que, pour beaucoup, la possession de cette faculté est la consommation de l’évolution. De plus, nous avons suggéré que la technique orientale de la méditation (avec ses étapes de concentration, de méditation et de contemplation) étant appliquée à l’intellectuel occidental, ses processus mentaux peuvent atteindre leur plus haut point de développement, puis être dépassés par une faculté encore supérieure : l’intuition. En Occident, nous avons constaté aussi que, par l’intérêt intense et l’application dans les travaux, nos intelligences les plus rares parviennent au même degré de développement que l’aspirant oriental par la méditation. Mais ici s’arrête le parallèle. L’éducation, en Occident, ne réussit pas à nous conduire au royaume de l’intuition ou de l’illumination. Nous sourions, au contraire, à l’idée d’une conscience illuminée et nous attribuons le témoignage des mystiques en grande partie à l’hallucination ou à la psychose traitée constamment par nos psychologues.

 Mais il peut être prouvé, je crois, qu’une perception spirituelle développée et un intellect illuminé peuvent faire partie de l’équipement du savant et de l’homme d’affaires normaux, sans que cela indique un manque d’équilibre psychique ou une instabilité émotive. La lumière de l’illumination et de l’inspiration est tout à fait compatible avec l’accomplissement des besognes quotidiennes et ceci a été dit au VIIIème siècle par le Maître chinois Lü Tzù :

 Quand il y a un succès progressif dans la mise en circulation de la Lumière, un homme, ce faisant, ne doit pas renoncer à ses occupations ordinaires. Les anciens disaient : lorsque les occupations viennent, nous devons les accepter ; quand les choses viennent, nous devons les comprendre radicalement.

Si les occupations sont réglées par des pensées correctes, la Lumière n’est pas dispersée par les choses extérieures mais circule selon sa propre loi

 Wilhelm Richard et Jung C. G., The Secret of the Golden Flower, p. 57.

 

Ces caractéristiques et ces résultats de l’illumination sont à l’œuvre dans la conscience de l’homme qui a progressé suivant les stades que nous avons esquissés et qui forment le thème de ce chapitre. L’illumination est une étape du processus de la méditation, car elle comporte un contrôle strict de l’intellect et une approche scientifique du sujet ; elle est un résultat du véritable état contemplatif et du contact avec l’âme et indique l’instauration, avec ses effets subséquents, de la seconde activité de l’intellect, que nous avons examinée dans les pages précédentes.

 D’après les pionniers de l’âme, l’illumination suit immédiatement la contemplation et pourrait être décrite à son tour comme produisant trois effets :

L’illumination de l’intellect, la perception intuitive et une vie inspirée sur le plan physique. Cette condition est reconnue par tous les mystiques et par tous les écrivains qui ont traité de la révélation mystique.

 La pensée d’une Lumière qui éclaire notre chemin, y resplendit, le symbole d’une irradiation intense, aveuglante, sont d’un emploi si général que nous en sommes venus à les regarder simplement comme des choses exprimées suivant la phraséologie mystique et ne signifiant guère plus qu’une tentative de la part du visionnaire, de traduire ce qu’il a perçu.

 Il semble cependant, après investigation, que cette terminologie spéciale, ces phrases symboliques aient une signification plus profonde. L’uniformité du langage, la multitude des témoignages dignes de foi, la similitude des faits relatés, semblent indiquer quelque chose de la nature d’un phénomène authentique.

 Le Dr Overstreet, dans The Endurinig Quest, cite un grand nombre de ces grandes individualités que l’on a prétendu illuminées et signale que "ces hommes ne raisonnaient pas leurs conclusions, bien que la raison, la recherche de la vérité . eût une part apparente dans la préparation à la connaissance finale. Dans chacun des cas, ajoute-t-il, ces hommes faisaient l’expérience de ce que, faute d’un meilleur terme, nous appelons l’illumination..." Il poursuit, nous avertissant que "très probablement nous écarterons ces expériences, les considérant comme des aberrations...", mais il ajoute : "ces hommes n’agissaient pas comme des hommes souffrant d’aberration. D’eux émane la plus grande part de la sagesse spirituelle de la race. Ils étaient, semble-t-il, du nombre des illuminés de l’humanité. S’ils "doivent être jugés à leurs fruits", ils ont porté des fruits si prodigieux, qu’ils sont devenus les conducteurs spirituels de l’humanité."

 Overstreet H. A., The Enduring Quest, pp. 238, 239, 240.

 

L’embarras provient du fait qu’à l’exclusion des grandes figures auxquelles le Dr Overstreet fait allusion, les mystiques moyens, en général, ont été incapables de définir clairement l’état d’illumination. Dans les conférences de Bompton (1930), on nous dit : "Le mystique ne peut expliquer, mais il sait qu’il a connu et non simplement senti et parfois cette connaissance demeure une possession permanente que ne peut atteindre aucune critique... Quoique le mystique semble incapable de communiquer à d’autres un élément de vérité qu’il ne soit impossible d’atteindre par des voies plus ordinaires et par le raisonnement, il est néanmoins possible que l’intensité de leur appréhension spéciale puisse servir à établir plus clairement notre problème, comme les cas extrêmes servent à prouver la vérité d’un théorème géométrique général (Grensted, Rev. L. W., Psychology and God, pp. 203-204.)."

 C’est ici qu’intervient l’Asie, nous montrant le système par lequel l’illumination peut être atteinte et soumettant à notre considération un procédé ordonné qui conduit l’homme à l’identification avec l’âme. Elle postule,comme résultat de cette identification et de ses effets subséquents, une perception illuminée et une appréhension intuitive de la vérité. Les écritures orientales nous disent que c’est l’intellect qui reflète la lumière et le savoir omniscient de l’âme, et le cerveau qui est illuminé à son tour ; ceci n’est possible que si la liaison entre les trois facteurs : L’âme, l’intellect et le cerveau est complètement établie. Patanjali nous dit dans ses Yoga Sutras que :

 Le Seigneur de l’intellect, Celui qui perçoit, a constamment conscience de la substance mentale active.

Parce qu’il peut être vu et connu, il est apparent que l’intellect n’est pas la source de l’illumination.

Lorsque l’intelligence spirituelle qui demeure dans l’isolement, libérée des objets, se reflète dans la substance mentale, nous prenons conscience du Soi.

C’est alors que la substance mentale, reflétant à la fois le connaisseur et le connaissable, devient omnisciente.

 L’intellect tend alors vers le discernement et vers une illumination croissante.

Lorsque les moyens de parvenir à l’Union ont été régulièrement pratiqués et que l’impureté a été vaincue, les clartés conduisant à la parfaite illumination nous sont dispensées.

 La connaissance ou l’illumination est septuple et s’acquiert progressivement

 Bailey Alice A., The Light of the Soul, pp. 172, 178, 408, 409, 415, 416, 422.

 

Patanjali nous signale plus loin qu’après une concentration, une méditation et une contemplation suffisantes "ce qui obscurcit la Lumière disparaît graduellement", et il ajoute :

 Lorsque ce qui voile la Lumière a disparu, il s’ensuit un état appelé "désincarné" ou libéré des modifications du principe pensant. Cet état est celui de l’illumination.

 Ibid., pp. 118, 240.

 

Par conséquent, il se pourrait que le Christ enjoignant à ses disciples de "laisser briller leur lumière" n’ait point du tout parlé symboliquement, mais ait insisté sur la nécessité de se libérer de la conscience corporelle afin que la Lumière de l’Ame puisse atteindre le cerveau par l’entremise de l’intellect et produire cette illumination permettant à l’homme de dire "qu’en cette Lumière, nous verrons la Lumière". Le chemin conduisant à cette libération a toujours été compris par l’Église chrétienne qui le nomme "le Chemin de la Purification". Il comporte la purification ou la raréfaction de la nature corporelle inférieure, l’usure du voile de matière cachant la Lumière dans chaque être humain. Le voile doit être percé ; cela peut être fait de bien des façons. Le Dr Winslow-Hall, dans Illuminanda (Hall W. Winslow M. D., Illuminanda, p. 93.), nous en indique trois : le chemin de la Beauté, le chemin de l’Intellect et le chemin de l’Ame. Par la beauté et la recherche de la réalité qui l’a produite, le mystique va au-delà de la forme et découvre le bien et le merveilleux. C’est là ce dont le Dr Otto (Otto Rudolf, The Idea of the Holy.)S’occupe dans son exégèse de la faculté de "divination", cette capacité de reconnaître avec un respect émerveillé l’essentielle sainteté et la beauté cachées derrière toutes les formes. Son chapitre mérite notre considération attentive. Ainsi le mystique "devine" par "ce qui est divin en lui" la réalité voilée par la matière. Ceci est la voie des sens. Puis il y a la voie de l’intelligence, de l’intense concentration de l’intellect sur un problème ou sur l’aspect forme afin d’arriver à la cause de son existence. Ainsi ont progressé les hommes de science ; ils ont pénétré si loin, qu’ils sont arrivés à quelque chose qu’ils nomment "énergie". Le Dr Winslow Hall définit la troisième voie, comme suit :

 Le chemin de l’âme est à la fois le plus ancien et le plus vaste des trois chemins (...) car l’âme fait plus que percer le voile de matière ; elle s’identifie au voile et à la Réalité derrière le voile, en sorte que l’âme, le voile et la Réalité sont perçus à l’état d’unité

 2 Hall Winslow M. D., Illuminanda, p. 94.

 Nous sommes ramenés de la sorte à l’idée d’Intégrité et d’Unité avec l’Univers à laquelle nous avons fait allusion antérieurement ; le Dr Hall ajoute :

 Je définis l’illumination comme un sens exalté de l’unité avec le Tout

 3 Ibid., p. 21.

 

Parvenus à ce point, essayons d’exprimer aussi simplement que possible où nous ont conduit nos conclusions et ce qu’il advient de l’homme qui, ayant poursuivi son éducation, a passé de l’étape relative à l’entraînement de la mémoire et l’assimilation de l’information à celle de l’emploi conscient de l’intellect et, de là, est entré dans le domaine du connaisseur conscient.

 Par la concentration et la méditation, il est parvenu, dans une large mesure, à contrôler son intellect et a appris comment "garder son intellect immobile dans la lumière". La conscience se dégage alors du soi inférieur (du domaine de la compréhension cérébrale et mentale) et le mystique passe à l’état contemplatif, dans lequel il fonctionne en tant qu’âme et sait qu’il est lui-même le connaisseur. La nature de l’âme est connaissance et lumière et son domaine est le royaume de Dieu. Pendant toute la durée de cette identification avec l’âme, l’intellect, immobile, se refuse à tout contact émanant du plan physique et du plan des émotions. Absorbé en Dieu, transporté au "Troisième ciel" comme saint Paul, et contemplant la vision béatifique de la Réalité, il ne connaît plus que les phénomènes propres au monde nouveau dans lequel il vit.

Mais dans ce monde, il entend, il voit, il connaît, il perçoit la vérité sans voile et dégagée de l’illusion dont la recouvrait la matière. Il écoute la Sagesse en réserve dans son âme insondable ; il est cette Sagesse même car objet et sujet n’existent plus pour lui ; il est l’un et l’autre et le sait. Il pénètre dans l’Intelligence de Dieu Universel, réceptacle de la connaissance, toujours ouvert aux intellects individuels susceptibles d’être suffisamment pacifiés, contrôlés, pour voir la porte et entrer. Tout au long de ce processus transcendant, l’intellect est demeuré immobile, dans la Lumière.

 Bientôt pourtant, l’état contemplatif cesse et l’intellect connaît un renouveau d’activité basé sur sa capacité de réagir à la lumière, d’enregistrer et de se remémorer les informations dont l’âme cherche à le doter. Les énergies de l’âme se sont extériorisées dans le monde des réalités divines ; maintenant, l’attention se fixe sur un autre foyer ; la Déité tourne ses yeux vers l’instrument dans l’attente et cherche à lui communiquer autant de Sagesse et de Savoir qu’il est capable d’en recevoir et refléter.

 Chez les écrivains qui n’ont pas dûment approfondi la technique de l’Orient et qui s’occupent de la voie purement mystique, il y a une aptitude à confondre l’illumination avec le sentiment.

 Evelyn Underhill, par exemple, écrit : "(...) L’état d’illumination amène une vision de l’Absolu : un sens de la Divine Présence ; mais non l’union véritable avec Elle." C’est, dit-elle, "un état de félicité" (Underbill Evelyn, Mysticism, p. 206.). L’illumination de l’intellect, comportant la connaissance, la conscience de l’union avec la Déité et l’appréhension des lois qui gouvernent le domaine spirituel, peut, finalement, engendrer cette félicité, mais elle est un effet rétroactif et non pas une part de l’état d’illumination. La véritable illumination se rapporte à l’intellect, et devrait être, dans sa forme la plus pure, séparée de tout sentiment. C’est une condition de connaissance, un état dans lequel l’intellect est mis en relation avec Dieu, et, plus longtemps cette condition demeure libre de réactions émotives, plus est directe la communication entre l’âme et son instrument, plus est pure de toute détérioration la vérité impartie.

 Ici, une comparaison entre la voie du "connaisseur" et la voie du "mystique" peut être utile. Le mystique, en particulier en Occident, gagne sa fulgurante vision ; il voit le Bien-Aimé, il atteint des sommets de connaissance mais son approche, dans la majorité des cas, a été par le cœur et comportait le sentiment, la perception sensorielle et l’émotion. Le résultat a bien été l’extase.

Sa technique a été celle de la dévotion, de la discipline ; une lutte émotionnelle, "une élévation du cœur vers le Seigneur", la "vision du Bien-Aimé", et "le mariage dans les cieux" ; le déversement de la nature affective et de l’amour aux pieds du Bien-Aimé, donc l’extase. Après, si nous en croyons les écrits des mystiques mêmes, une période de réajustement à la vie quotidienne a suivi, avec, souvent, une phase de dépression et de désappointement en raison de la brièveté de l’extase ; tout ceci accompagné d’une incapacité d’expliquer avec clarté ce qu’a été l’expérience. Alors, un nouveau cycle de dévotion et de discipline est inauguré, prolongé jusqu’au retour de la vision et du contact avec le Bien-Aimé. Sous certains angles, l’égocentrisme du mystique occidental est remarquable et sa faillite dans l’usage de l’intellect tout a fait frappante. Nous devons cependant excepter des mystiques tels que Boehme, Ruysbroek ou Meister Eckhart, dans les écrits desquels l’élément intellectuel est très important et la qualité du savoir des plus remarquables.

 

Voyez ce que dit Meister Eckhart :

 Il y a dans l’âme une faculté d’une importance primordiale, l’intellect qui lui permet de connaître, de découvrir Dieu... Les arguments les plus solides établissent expressément (ce qui est la vérité) que le noyau de la vie éternelle est plutôt dans la connaissance que dans l’amour... L’âme n’est pas sous la dépendance des choses temporelles, mais dans l’exaltation de son intellect, elle est en communion avec les choses de Dieu.

 Pfeiffer Franz, Meister Eychart, pp. 83, 114, 288.

 

Le connaisseur possède une méthode qui diffère de celle du mystique. La sienne comporte la direction de son intellect par rapport à l’objet de sa recherche ; c’est le chemin de l’intellect, sa discipline, son contrôle. Le connaisseur stabilise son intellect, met fin à sa versatilité, il le concentre, il cherche Dieu ; il se sépare du sentiment et ne porte aucun intérêt a sa propre satisfaction car l’intellect est le "sens commun" et, dans son emploi qualifié, est doué de la faculté de synthèse, d’Intégrité. Comme le dit le Dr Muller-Freienfels :

 Le connaisseur ne parlera plus de son âme, mais de l’âme universelle qui se manifeste et s’épanouit en lui comme en toutes les autres créatures, et persistera, bien que cette illusion de l’individualité périsse... Il vivra sa "vie", c’est-à-dire comme réalisation, comme perfectionnement de soi, avec la conscience que ce n’est pas seulement son propre moi qu’il réalise et perfectionne, mais l’univers, la déité, dont ce soi apparent est une partie (Muller-Freienfels R., Mysteries of the Soul, p. 336.).

 

Le sentiment personnel est supprimé. L’aspirant maîtrise son intellect, le maintient calme dans la lumière, voit et connaît. Alors suit l'Illumination.

Meister Eckhart résume de la manière suivante la différence entre les deux chemins :

 La connaissance élève l’âme au rang de Dieu ; l’amour unit l’âme à Dieu ; l’exercice perfectionne l’âme et l’élève jusqu’à Dieu. Tous les trois transportent l’âme droit hors du temps, dans l’éternité.

 Pfeiffer Franz, Meisier Eckhart, p. 286.

 

Ces distinctions sont à noter soigneusement car nombreux sont aujourd’hui ceux pour lesquels l’achèvement de la connaissance de Dieu importe plus que l’amour de Dieu. Cela, ils le possèdent déjà ; c’est à la base de leur effort mais non pas de leur discipline et ce n’est pas leur objectif. Pour la vaste majorité de ceux qui ne réfléchissent pas, il se peut que la voie mystique de l’amour et de la dévotion soit le but ; mais pour les penseurs du monde, l’illumination devrait être le but de leur effort.

 Chez l’homme véritablement illuminé, nous avons la rare combinaison du mystique et du connaisseur, produit des méthodes mystiques orientales et occidentales ; nous avons l’union de la tête et du cœur, de l’amour et de l’intellect. Ceci produit ce qu’en Orient on appelle le Yogi (celui qui connaît l’union) et, en Occident, le mystique pratique, ce qui est une manière assez peu satisfaisante de désigner le mystique ayant combiné l’intellect et le sentiment et qui est, par conséquent, un être coordonné, dont le cerveau, l’intellect et l’âme fonctionnent synthétiquement, dans la plus parfaite unité.

L’illumination de l’intellect par l’âme et la précipitation de la connaissance et de la sagesse, qui sont les prérogatives de l’âme, dans la substance mentale attentive, amènent chez l’homme véritablement unifié et coordonné des résultats qui varient selon la partie de son instrument avec laquelle le contact s’est établi.

 Remettant à plus tard l’étude de l’union et du développement des pouvoirs transcendantaux, nous nous contenterons d’examiner les effets directs de l’illumination. Pour plus de clarté, nous pouvons résumer ces effets de la manière suivante :

 Perception directe de la vérité par l’intellect et directe compréhension d’un savoir tellement vaste, tellement synthétique, que nous l’englobons sous le terme vague d’Intelligence Universelle. Ce genre de connaissance est parfois appelé "intuition" ; c’est l’une des principales caractéristiques de l’illumination.

 Second effet : L’intellect devient sensible aux communications télépathiques émanant de ceux qui ont appris à opérer sur les niveaux de l’âme.

Je ne fais pas allusion ici aux communications télépathiques du plan psychique, ou bien à celles qui s’établissent de cerveau à cerveau, dans la vie quotidienne.

Je veux parler des échanges qui peuvent être établis entre des âmes divinement accordées et qui ont eu pour résultat, dans le passé, les messages inspirés, les Écritures saintes, et les déclarations de certains grands Fils de Dieu, tels que le Christ et le Bouddha. L’intuition et la télépathie sont, par conséquent, les formes les plus pures des deux effets de l’illumination de l’intellect.

 En ce qui concerne la nature émotive, ou, en langage ésotérique, le corps du désir ou de la sensation, nous avons l’enregistrement de la joie, du bonheur et l’expérience de l’extase. Il y a un sens d’accomplissement, de satisfaction et de joyeuse attente, en sorte que le monde est vu sous un jour nouveau et les circonstances sous une teinte plus brillante.

 "En haut le ciel est d’un bleu plus étincelant

En bas la terre est d’un vert plus tendre

Quelque chose vit en chaque nuance

Que les yeux non christiques n’ont jamais vue."

 Hall, W. Winslow, M. D., Illuminanda, p. 19.

 

Il y a, dans le corps physique, certaines réactions des plus intéressantes.

Elles forment deux catégories : 1° une stimulation incitant à l’activité intense, qui a un effet précis sur le système nerveux ; 2° il y a fréquemment l’apparition d’une lumière à l’intérieur de la tête, lumière qui peut être vue même les yeux fermés ou dans l’obscurité.

 Le Dr Winslow Hall, dans son livre sur l’illumination traite de cet aspect de la lumière ; il déclare qu’il désire prouver que "l’Illumination n’est pas seulement un fait psychologique, mais aussi un fait physiologique".

 Hall Winslow M. D., Illuminanda, p. 19.

 

Ces résultats sur le triple instrument mental, sensoriel et physique que nous désignons du nom d’être humain, sont uniquement les manifestations de la même énergie fondamentale transférée d’un véhicule à un autre. C’est la même conscience divine faisant sentir sa présence dans les différentes sphères de la perception et du comportement humains.

 Occupons-nous d’abord de la réaction mentale. Qu’est-ce que la mystérieuse chose que nous appelons l’intuition ? Il est intéressant de noter que le mot est complètement ignoré dans certains livres de psychologie et souvent dans ceux qui sont écrits par les hommes les plus compétents en la matière.

L’intuition n’est pas reconnue. Nous pourrions la définir une perception directe de la vérité, séparée de la faculté de raisonnement et de tout processus intellectuel. C’est l’apparition dans la conscience de quelque vérité ou beauté jamais perçue auparavant. Cela n’est pas du domaine de la subconscience et n’émane pas de la mémoire raciale ou autre, mais tombe de l’âme superconsciente, ou omnisciente, dans l’intellect. Cela est reconnu immédiatement comme infaillible et ne suscite aucune question. Toutes les solutions brusques de problèmes en apparence complexes ou insolubles, ainsi que nombre de grandes inventions révolutionnaires, se classent dans cette catégorie. Evelyn Underhill en parle en ces termes :

 (...) cette appréhension illuminée des choses, cette purification des portes de la perception, est certainement ce à quoi nous devons nous attendre dès que l’homme se meut vers des centres de conscience supérieurs. Son intelligence

superficielle, purifiée de la domination des sens, est envahie de plus en plus par la personnalité transcendante, l’Homme Nouveau, qui est, par nature, un citoyen du monde spirituel indépendant. Sa destinée, en langage mystique, est un "retour à son Origine". D’où un afflux de vitalité nouvelle, une extension du pouvoir visionnaire et une exaltation énorme des pouvoirs intuitifs.

 Underhill Evelyn, Mysticism, p. 311.

 

Cet accès immédiat à la vérité est la destinée ultime de tous les êtres humains, et il semble bien probable qu’un jour l’intellect même sera au-dessous du seuil de la conscience, comme, aujourd’hui, les instincts. Nous fonctionnerons alors dans le domaine de l’intuition, nous nous exprimerons en termes intuitionnels aussi facilement que nous nous exprimons aujourd’hui en termes intellectuels, et nous nous efforcerons de fonctionner en tant qu’êtres intellectuels. Le Père Joseph Maréchal, dans Studies in the Psychology of the Mystics, définit ainsi la perception intuitive :

 L’Intuition, définie d’une manière tout à fait générale, est l’assimilation directe d’une faculté de connaissance à son objet. Toute connaissance est en quelque sorte une assimilation ; l’intuition est une "information" immédiate, sans intermédiaire objectivement interposé ; c’est le seul acte par lequel la faculté de connaître se modèle, non sur une ressemblance abstraite de l’objet, mais sur l’objet lui-même : c’est, si vous voulez, la coïncidence stricte, la ligne commune de contact, entre le sujet connaissant et l’objet.

 Maréchal Joseph, S. J., Studies in the Psychology of the Mystics, p 98.

 

L’un des livres les plus notables et les plus suggestifs, et s’accommodant remarquablement aussi bien aux vues orientales qu’aux vues occidentales, est le livre du Dr Dibblee, du Collège Oriel d’Oxford, Instinct and Intuition. Dans cet ouvrage, il nous donne plusieurs définitions intéressantes de l’Intuition. Il note que "l’Intuition est à la pensée ce qu’est la sensation au sentiment ; elle lui offre des matériaux" (Dibblee George Binney, Instinct and Intuition, p. 85.) et il cite le Dr Jung. Ce dernier considère l’Intuition comme un processus mental extraconscient, duquel nous sommes de temps en temps vaguement informés. Le Dr Dibblee nous donne aussi la définition du professeur H. Wildon Carr : "L’Intuition est l’appréhension directe, par l’intellect, de la réalité telle qu’elle est, et non pas sous la forme d’une perception ou d’une conception (ni comme idée ou objet de raison) qui toutes, par contraste, sont des appréhensions intellectuelles".(Carr H. Wildon, Philosophy of Change, p. 21)

L’Intuition, nous dit-il, "s’intéresse à des résultats purement intangibles ; si elle néglige le temps, elle est aussi indépendante du sentiment". (Dibblee George Binney, Instinct and Intuition, p. 132.)Dans un passage particulièrement clair, il définit le mystique pratique ou connaisseur (peut-être sans intention car son thème concerne d’autres matières) :

 (...) L’inspiration intuitive et l’énergie instinctive sont finalement apprivoisées, unifiées dans le soi complet, qui, en dernier ressort, forme une seule personnalité.

 Dibblee George Binney, Instinct and Intuition, p. 130.

 

Ici, nous avons le mécanisme guidé et dirigé dans ses relations et ses réactions physiques par l’appareil des instincts, travaillant par les sens et le cerveau, puis, l’âme, à son tour guidant et dirigeant l’intellect par l’intuition et ayant son point de contact physique dans le cerveau supérieur. Cette idée, le Dr Dibblee la résume ainsi : "J’en suis arrivé au point d’accepter définitivement deux organes distincts de l’intelligence, dans l’être humain ; le thalamus, qui est le siège de l’instinct, et le cortex cérébral, qui est le siège des facultés alliées, l’intellect et l’intuition."

 5 Ibid., p.165.

 

Ceci est strictement conforme à l’enseignement oriental qui pose en principe que le centre agissant et coordonnant de la nature inférieure entière, est situé dans la région du corps pituitaire et que le point de contact avec le Soi supérieur et l’Intuition, est dans la région de la glande pinéale.

 La situation est donc la suivante : L’intellect reçoit de l’âme l’illumination sous forme d’idées qui sont précipitées en lui, ou d’enseignements directs, par l’intuition, qui est toujours infaillible. Ce processus, à son tour, est répété par l’intellect actif, qui passe au cerveau les intuitions et les connaissances que l’âme lui a transmises. Quand ceci se poursuit automatiquement et de manière adéquate nous avons l’homme illuminé, le sage.

 La seconde activité, résultant de l’illumination à laquelle l’intellect réponde, est la télépathie. On dit que "l’illumination peut être considérée comme l’exemple le plus élevé de télépathie car, au cours du resplendissement de l’illumination suprême, l’âme humaine est "celui qui perçoit" et le Père des Lumières, l’agent". L’agent peut travailler par l’intermédiaire de nombreux intellects, car le monde de l’âme est celui de la conscience-groupe et cela ouvre, en vérité, un vaste champ de contacts.

 L’âme de l’homme est en rapport, non seulement avec l’Intelligence universelle mais aussi avec toutes les intelligences à travers lesquelles peut travailler le Dessein divin que nous appelons Dieu. Ainsi s’explique le courant continu des écrits inspirés et des messages qui, à travers les âges, ont guidé les pensées et la destinée des hommes, les entraînant sur le chemin de la réalisation, depuis l’étape de l’animisme et du fétichisme jusqu’à notre actuel concept de la Déité immanente. Nous avons progressé, passant du point de vue de l’homme et de la nature à celui d’un tout Divin dans lequel nous vivons, nous mouvons et avons l’être, et avec lequel nous sommes identifiés, dans la conscience. Nous nous reconnaissons divins. L’un après l’autre les Fils de Dieu sont entrés dans leur héritage et se sont découverts sensibles au Plan du Monde.

Par la persévérance dans la contemplation, ils se sont équipés afin d’agir comme interprètes de l’intelligence universelle et comme intermédiaires entre la multitude non télépathique et l’éternelle fontaine de sagesse. On peut faire remonter aux illuminés de ce monde, aux penseurs intuitifs dans le domaine du savoir, aux transmetteurs télépathiques et inspirés, tout ce que l’homme connaît de meilleur, l’origine des grandes religions du monde et le triomphe de la science.

 Cette communication télépathique ne doit pas être confondue avec la médiumnité et la masse des écrits soi-disant inspirés, qui inondent le marche, actuellement. La plupart de ces communications sont d’un caractère médiocre, et n’apportent rien de nouveau, ni aucun message susceptible de conduire l’homme à l’Age Nouveau, ou de guider ses pas tandis qu’il gravit les marches qui le conduisent aux Lieux Célestes. Les contacts multiples avec le subconscient, les communications provenant d’intelligences supérieures et dignes de confiance compteront pour 98 % dans les travaux paraissant maintenant. Tout cela indique que l’homme a beaucoup accompli, qu’il s’est coordonné. Cela n’indique pas le fonctionnement de l’intuition, ni l’activité de la faculté de télépathie spirituelle. Il est essentiel de distinguer l’intuition de l’instinct, l’intellect sous ses aspects inférieurs et ses aspects supérieurs ou mental abstrait. Il faut maintenir la ligne de démarcation entre les énoncés inspirés de l’âme, en contact avec la Réalité et avec d’autres âmes, et les platitudes d’une intelligence aimable et cultivée.

 L’effet de l’illumination sur la nature émotive prend deux formes et, si paradoxal que cela semble, deux formes diamétralement opposées. Chez certains, elle amènera une tranquillisation de la nature, en sorte que les anxiétés et les soucis mondains cessent, et le mystique entre dans la paix qui dépasse toute compréhension.

 Il peut alors dire :

 "Une flamme, en moi, s’est maintenue

Inaltérable, inchangée dans la brume des années,

Ne connaissant ni l’amour, ni le rire, ni l’espoir, ni la crainte,

Ni stupide palpitation vers le mal, ni l’ivresse du bien.

Je ne ressens point l’ombre des vents qui broient du noir

Je n’entends point le chuchotement d’une vague qui change de bord

Je ne tisse point de pensée de passion ni de larmes.

Émancipé du temps, de l’habitude

Je ne connais point la naissance, je ne connais point la mort qui glace ;

Je ne crains ni le sort, ni la mort, ni cause, ni croyance,

Je dépasserai les rêves des collines

Je suis le bourgeon, la fleur, la semence

Car je sais qu’en tout ce que vous voyez

J’en fais partie et que c’est l’âme de moi-même."

 Muirhead, John Spencer, Quiet (The Oxford Book of English Mystical Verse), p. 629.

 

Au contraire, elle peut produire l’extase mystique, cette élévation et effusion du cœur vers Dieu, dont la littérature mystique apporte un témoignage constant. C’est un état d’exaltation et de joyeuse certitude, quant aux réalités perçues. Il porte son possesseur sur les ailes de la félicité et, temporairement tout au moins, rien ne peut le toucher ou le blesser. Au figuré, ses pieds volent à la rencontre du Bien-Aimé et l’échange entre Celui qui aime et l’Aimé est grand, mais il subsiste toujours un sentiment de dualité ; quelque chose demeure au-delà de ce qui a été atteint. Ceci doit être maintenu aussi longtemps que possible dans la conscience, sans quoi la vision disparaîtra, les nuages voileront le soleil et les inquiétudes d’ici-bas obscurciront les cieux.

 Dans Mysticism, Evelyn Underhill nous dit que l’extase, physiquement, est une transe, un état de ravissement qui peut être bon ou mauvais. Elle cite le Père Malaval :

 Les grands docteurs de la vie mystique enseignent qu’il y a deux sortes de ravissement, entre lesquelles il faut soigneusement distinguer. La première se produit chez les personnes peu avancées dans la voie et encore pleines d’égoïsme, soit par la force d’une imagination surchauffée, qui perçoit vivement un objet sensible, soit par les artifices du Diable... L’autre sorte de ravissement est au contraire l’effet d’une vision purement intellectuelle en ceux qui ont un pur et généreux amour de Dieu. Aux âmes qui ont entièrement

renoncé à elles-mêmes, Dieu ne manque jamais de communiquer de hautes informations dans ces extases.

 (Underhill Evelyn, Mysticism, p. 431.)

 

Le même écrivain poursuit en nous disant ce qu’est l’extase, psychologiquement. "L’absorption du Soi dans la seule idée, dans le désir unique, est si profonde, et dans le cas des grands mystiques, si passionnée, que toute chose est effacée." (Ibid., p. 434.) L’on notera combien l’idée de désir, de sentiment et de dualité, caractérise la condition extatique. La passion, la dévotion et l’essor enchanté vers la source de la réalisation, sont toujours présents ; une distinction devra être établie par celui qui fait l’expérience, sous peine de les voir dégénérer au point de devenir morbide. Fondamentalement, nous n’avons pas affaire avec cette perception sensorielle. Notre but est une haute et constante intellection, un contrôle mental persistant et c’est seulement aux premiers stades de l’illumination que nous trouvons cette condition. Plus tard, nous verrons que la véritable illumination règle automatiquement toutes les réactions de cette sorte. L’âme se sait libre des opposés : du plaisir comme de la peine et demeure paisiblement dans l’état spirituel. Pour finir, la ligne ou canal de communication est direct et éliminatoire de l’âme à l’intellect et de l’intellect au cerveau.

 Lorsque nous arrivons au niveau physique de la conscience et de la réaction à l’illumination qui ruisselle à travers le cerveau, nous avons habituellement deux effets prédominants. Il y a le sens ou la perception d’une lumière dans la tête et fréquemment, aussi, une stimulation qui engendre une activité anormale. L’homme semble poussé par l’énergie qui passe à travers lui, et les jours sont trop courts pour ce qu’il cherche à accomplir. Il est si anxieux de coopérer au plan avec lequel il a été mis en contact que son jugement est temporairement altéré, et il travaille, parle, lit, écrit avec une ardeur inlassable, qui use néanmoins son système nerveux et affecte sa vitalité. Tous ceux qui ont travaillé dans le domaine de la méditation et essayé d’enseigner suivant cette ligue connaissent bien cet état. L’aspirant pénètre dans le domaine de l’énergie divine et réagit intensément : il perçoit ses relations avec le groupe et ses responsabilités et sent qu’il doit faire de son mieux pour vivre en conséquence.

L’enregistrement de cet afflux constant de force vitale est éminemment caractéristique, car la coordination de l’âme et de son instrument et la réaction immédiate du système nerveux à l’énergie de l’âme sont si intimes, si exactes, qu’il faut un certain temps à l’homme pour apprendre à effectuer le réajustement nécessaire.

 Comme nous l’avons vu, un second effet de l’illumination est la perception d’une lumière dans la tête. Ce fait est si bien établi qu’il n’y a guère lieu d’insister. Le Dr Jung y fait allusion de la manière suivante :

 (...) la vision de la lumière est une expérience commune à beaucoup de mystiques, une expérience de la plus grande portée parce que, dans tous les temps et dans tous les lieux, elle apparaît comme la chose inconditionnée, qui unit en elle-même la plus haute faculté et la signification la plus profonde. Hildegarde de Bingen, une personnalité marquante, en dehors de son mysticisme, s’exprime d’une manière semblable au sujet de sa vision centrale. "Depuis mon enfance, dit-elle, je vois toujours une lumière dans mon âme, mais non avec mes yeux extérieurs ni par les pensées de mon cœur ; mes cinq sens extérieurs n’ont pas de part non plus à cette vision... La lumière que je perçois n’est pas d’une espèce locale, mais bien plus brillante que le nuage qui supporte le soleil. En elle, je ne peux pas discerner de hauteur, de largeur, de longueur... Ce que je vois ou apprends dans une telle vision demeure longtemps dans ma mémoire. Je vois, entends et saisis dans le même moment et j’apprends ce que je sais dans le même temps... Je ne peux reconnaître aucune sorte de forme, à cette lumière, quoique, parfois, je voie en elle une autre lumière qui m’est connue comme étant la lumière vivante... Tandis que je jouis de ce spectacle, toute tristesse, tout chagrin disparaissent de ma mémoire..."

 Je connais quelques individus pour lesquels ce phénomène est une expérience personnelle familière. Autant que je puisse le comprendre, ce phénomène semble dû à un état de conscience aigu, aussi abstrait qu’intense, une conscience "détachée" (...) qui, ainsi qu’Hildegarde le remarque pertinemment, conduit à des régions de conscience où se déroulent des événements psychiques ordinairement enveloppés d’obscurité. Le fait qu’en connexion avec ceci les sensations corporelles générales disparaissent montre que leur énergie spécifique leur a été retirée afin d’exhausser, apparemment, la clarté de la conscience. En règle générale, le phénomène est spontané, apparaissant et disparaissant de sa propre initiative. Son effet est étonnant en ce qu’il amène presque toujours la solution de complications psychiques et qu’il tire d’embarras, émotifs et imaginaires, la personnalité intérieure, créant de la sorte une unité de l’être qui est universellement sentie comme une "libération".

 Whilhelm Richard et Jung C. G., The Secret of the Golden Flower, pp. 104, 105.

 

 Tout maître ayant l’expérience de la méditation peut prendre ces paroles à son compte. Le phénomène est des plus familiers et prouve certainement qu’il y a une étroite correspondance physique à l’illumination mentale. Des centaines de cas pourraient être cités si les gens consentaient à raconter leurs expériences, mais beaucoup s’y refusent par crainte des moqueries et du scepticisme de l’homme peu informé.

 La lumière dans la tête prend des formes variées ; elle se développe souvent par étapes. D’abord, une lumière diffuse est vue, quelquefois hors de la tête et, plus tard, dans le cerveau, tandis que l’on pense profondément ou que l’on médite : puis, cela se concentre et semble, comme certains l’ont décrit, un soleil radieux, très brillant. Plus tard, au centre de la radiance, un point de bleu électrique très vif apparaît (peut-être la lumière vivante, nommée plus haut) et de là, un chemin de lumière dorée conduit au dehors. Celui-ci a souvent été appelé "le Sentier" et il se peut que le prophète n’ait point parlé symboliquement lorsqu’il a dit "le Sentier du juste est comme la lumière resplendissante dont l’éclat va croissant jusqu’au milieu du jour".

 Cette lumière dans la tête, qui semble un accompagnement universel de l’état d’illumination, est probablement aussi l’origine du halo qui est dépeint, entourant la tête de tous les illuminés du monde. Dans ce domaine, bien des recherches restent à faire et bien des réticences et des préjugés à surmonter. Mais, un grand nombre d’expériences sont enregistrées aujourd’hui, provenant de travailleurs sérieux, appartenant à tous les domaines de l’activité humaine et qui ne sont point parmi les névrosés de la race. Le temps est proche où l’illumination sera considérée comme un processus naturel, où la lumière dans la tête sera reconnue comme le signe d’un stade défini de coordination et de relation entre l’âme, l’homme spirituel et l’homme du plan physique. Alors l’humanité aura atteint le point où l’instinct, l’intellect et l’intuition pourront être employés à volonté par l’homme entraîné, pleinement éduqué ; où la "lumière de l’âme" pourra être projetée sur tout problème. Ainsi l’omniscience de l’âme sera manifestée sur la terre.

 Laissez-moi terminer ce chapitre par quelques mots écrits par un mystique hindou et quelques mots d’un mystique chrétien moderne, ce sont des exemples typiques des deux points de vue du mystique et du connaisseur. L’hindou dit :

 "On appelle Brahmanes seuls ceux qui ont une lumière intérieure œuvrant en eux (...) l’âme humaine est une lampe non mise sous le boisseau. La lampe n’émet pas les rayons de la chair, mais les rayons de la lumière mentale pour illuminer toute l’humanité et c’est par conséquent un canal pour l’âme mondiale. Les rayons de la lumière mentale assistent toute l’humanité dans sa croissance et son expansion mentale, la lampe est donc l’une des Brahmanes Mondiaux Eternels. Elle donne sa lumière au monde mais ne prend rien de ce que peut donner le monde."

 

Le Chrétien écrit :

 "Je vis une vie enflammée par Dieu

Mon Père, donne-moi

La grâce d’une vie consumée en Dieu

Que je puisse vivre pour toi.

Une vie de feu ! Une vie enflammée par Dieu,

Illuminée par les feux d’amour de la Pentecôte !

Une vie en feu ! Dans le feu de l’amour pour les hommes

Allumé par la divine compassion qui vient d’En Haut.

Une vie brûlante, que Dieu peut prendre et verser

Dans la maison, dans la rue, partout où Il veut,

Pour allumer une autre vie pour Lui

Et propager ainsi le feu encore davantage."

 Alors nous aurons la démonstration de l’état final de la méditation : l’Inspiration. Qu’une telle vie soit possible, les Grands Etres de tous les temps l’ont attesté. Ils se savaient des Fils de Dieu et ce savoir, ils l’ont poursuivi jusqu’à sa pleine réalisation, dans l’incarnation physique. Ils sont des proclamateurs inspirés de la réalité de la vérité, de l’immortalité de l’âme, de l’existence du royaume de Dieu. Ils sont des lumières placées dans un lieu obscur, afin d’éclairer le chemin du retour à la Maison du Père.