LIVRE II - 20. Le voyant est pure connaissance (gnosis). Bien que pur il considère, par l'intermédiaire du mental, l'idée offerte.

20. Le voyant est pure connaissance (gnosis). Bien que pur il considère, par l'intermédiaire du mental, l'idée offerte.


Mention a déjà été faite de l'excellente traduction de ce sutra, donnée comme suit par Johnston : "Le voyant est pure vision. Bien que pur, il regarde au dehors à travers le vêtement du mental." Ganganatha Jha jette plus de lumière encore sur cette idée, par ces mots : "Le spectateur est connaissance absolue et, bien que pur, il perçoit encore des idées procédant de l'intellect." La pensée ici contenue est que l'homme véritable, le spectateur, percevant ou pensant, est la somme de toute perception, qu'elle lui parvienne par la voie des sens ou du mental inférieur ; il est en lui-même connaissance, claire vision et perception vraie. Tout ce qui existe dans les trois mondes existe en fonction de lui et pour lui ; il est la cause de tout cela et, lorsqu'il ne le cherche plus et ne tente plus de le voir, pour lui cela n'existe pas. Ce sutra est l'une des stances révélatrices du livre et donne le mot-clé de la science du yoga en son entier.
Certaines pensées sont cachées dans ce texte, où se trouve contenu tout ce qui fait le fond de cette science ; et les étudiants feront bien d'y accorder la plus grande attention. Il a un effet mantrique ; s'il est énoncé comme une affirmation et constamment employé par l'aspirant, il lui démontrera la vérité de la sentence : "Ainsi qu'un homme pense, ainsi est-il."

"Je suis pure connaissance. Bien que pur, je considère, par l'intermédiaire du mental, les idées offertes."

Nous avons ici :

1.
Le voyant, ou celui qui regarde et considère (de son point de vue divin) ce monde d'effets, cette grande maya de l'illusion.
2.
L'idée offerte. La pensée ici exprimée est que chaque forme qui passe devant le spectateur dans le grand panorama de la vie dans les trois mondes, est une "idée offerte" et que ces idées offertes sont en conséquence des pensées d'une espèce ou d'une autre, ayant pris corps et devant être estimées comme telles. La tâche de l'occultiste consiste à travailler avec la force résidant derrière toute forme, plutôt qu'avec la forme elle-même, qui n'est que l'effet d'une certaine cause. Cette méthode de travail ne peut être développée que graduellement. Le spectateur passe peu à peu, à partir des formes et de leur véritable signification dans son entourage immédiat et son monde infime, aux formes diverses du processus du monde, jusqu'au moment où le domaine des causes se trouve révélé, celui des effets ne tenant plus alors qu'une place secondaire.

Le spectateur perçoit d'abord les formes dans les trois mondes. Puis il devient graduellement conscient de ce qui a causé leur présence et du type de force qui leur a donné naissance. Plus tard, il découvre l'idée qui leur est incorporée et, suivant progressivement leur ligne de direction et remontant à leur source originelle, il entre en contact avec les grandes Vies qui sont la cause de la manifestation. Il passe ainsi au-delà du domaine de l'objectivité, au-delà des trois mondes – mental, émotionnel et physique – pour entrer dans le domaine de l'âme, cause subjective de leur triple manifestation. C'est le monde des idées et, par conséquent, de la connaissance pure, de la raison pure et de l'esprit divin. Plus tard, lorsqu'il atteint un stade plus avancé, il établit un contact avec la Vie une qui synthétise les vies multiples et qui est le Dessein unique, fusionnant les idées innombrables en un plan homogène.

3.
Le mental. C'est l'instrument utilisé par le voyant pour percevoir les idées offertes ou les formes-pensées. Afin d'éclaircir cette question, on pourrait noter que les idées offertes se divisent en cinq groupes de formes-pensées :

a.
Les formes objectives tangibles du monde physique quotidien.
Avec celles-ci, le voyant s'est depuis longtemps identifié au cours des stades antérieurs et barbares de l'existence humaine.

b.
Les humeurs, sentiments et désirs, qui tous prennent forme dans le monde astral ou monde des émotions.

c.
Les myriades de formes-pensées diverses, dont la foule peuple le monde mental.
Grâce à ces "idées offertes", le voyant atteint à la connaissance du non-soi.

d.
Les formes-pensées qu'il peut lui-même créer après avoir appris à maîtriser l'instrument qu'est pour lui le mental et à pouvoir faire une distinction entre le monde illusoire des idées offertes et les réalités qui constituent le monde de l'esprit.
En suivant ce processus, il arrive à la connaissance de soi. Tout au long de la grande expérience consistant à connaître le non-soi et à se connaître lui-même, il utilise le mental comme moyen d'investigation, d'éclaircissement et d'interprétation, car les sens et le réseau tout entier de ses canaux de contact télégraphient constamment au mental des informations et réactions par le truchement de l'instrument inférieur qu'est le cerveau. Ayant atteint ce stade, le voyant est alors capable d'utiliser le mental en sens contraire. Au lieu de diriger son attention sur le non-soi ou monde illusoire des effets ; au lieu d'appliquer son étude à sa propre nature inférieure, il peut maintenant, grâce à la maîtrise mentale acquise, en arriver au cinquième stade :

e.
Les idées offertes par le monde de la vie de l'esprit, qui est le domaine de la connaissance spirituelle et, dans le sens le plus vrai, le royaume de Dieu. Grâce à quoi le voyant arrive à connaître Dieu tel qu'Il est et à comprendre la nature de l'esprit.
Le mental sert alors un triple dessein :
a.
A travers lui, le voyant porte son regard vers l'extérieur, sur le monde des causes, le domaine spirituel.
b.
Au moyen du mental, le monde des causes peut être interprété sous l'angle de l'intellect.
c.
En l'employant correctement, le voyant peut transmettre au cerveau physique du soi personnel inférieur, reflet de l'homme réel, dans le monde des effets ce que l'âme voit et sait. Le triangle suivant est alors constitué et commence à fonctionner activement. Le voyant, ou homme spirituel ; le mental, qui est son moyen d'investigation ou la fenêtre à travers laquelle il jette un regard à l'extérieur (tant sur le monde des effets que sur lui-même ou sur le monde des causes) et le cerveau, dont le rôle est celui d'une plaque sensible sur laquelle le voyant peut imprimer sa "connaissance pure", son mental lui servant d'interprète et d'agent transmetteur.