LIVRE I - 10. La passivité (sommeil) est basée sur l'état de quiétude des vrittis (ou sur la non-perception des sens).

10. La passivité (sommeil) est basée sur l'état de quiétude des vrittis (ou sur la non-perception des sens).

 

Il peut être nécessaire de donner ici quelques éclaircissements sur la nature des vrittis. Les vrittis sont les activités du mental qui aboutissent à un rapport conscient entre le sens mis en jeu et ce qui est senti. A part une certaine modification du processus mental ou une prise de conscience de "je-suis-moi", les sens peuvent être actifs sans toutefois que l'homme en soit conscient.
L'homme est conscient de ce qu'il voit, goûte ou entend ; il dit : "Je vois, je goûte, j'entends", et c'est l'activité des vrittis (de ces perceptions mentales qui sont en relation avec les cinq sens) qui le rend apte à reconnaître ce fait. En se dégageant de la perception sensorielle active, en cessant d'utiliser la conscience "extravertie" et en détournant cette conscience de la périphérie vers le centre, il peut provoquer une condition de passivité, une absence d'éveil mental, qui n'est ni le samadhi du Yogi, ni la réalisation de l'objectif unique auquel aspire l'étudiant en yoga, mais une forme de transe. Cette tranquillisation auto-imposée est non seulement nuisible à l'accomplissement du plus haut Yoga, mais elle est dans bien des cas extrêmement dangereuse.

Les étudiants feront bien de se rappeler que c'est le mental et son emploi correct qui sont le but du Yoga, et que l'état nommé "vide mental" ou condition de réceptivité passive, comportant la rupture ou l'atrophie des rapports sensoriels, ne fait pas partie du processus. Le sommeil dont il est question ici n'est pas le passage du corps à un état d'assoupissement, mais la mise en sommeil des vrittis. C'est la négation des contacts des sens, sans que le sixième sens – le mental – supplée à leurs activités. Dans ces conditions de sommeil, un homme est exposé à l'hallucination, aux illusions, aux fausses impressions et aux hantises.

Il y a plusieurs sortes de sommeils et il n'est pas possible, dans un commentaire tel que celui-ci, d'en donner plus qu'une courte liste :

1.
Le sommeil ordinaire du corps physique, dans lequel le cerveau ne répond à aucun contact sensoriel.
2.
Le sommeil des vrittis, ou des modifications des processus mentaux qui relient l'homme à son entourage au moyen des sens et de la faculté mentale.
3.
Le sommeil de l'âme qui, occultement parlant, couvre la période de l'expérience humaine allant de la première incarnation humaine de l'homme jusqu'au moment où il "s'éveille" à une connaissance du plan, et tente d'inciter l'homme inférieur à s'aligner sur la nature et la volonté de l'homme intérieur spirituel.
4.
Le sommeil du médium ordinaire, où le corps éthérique est partiellement expulsé du corps physique et séparé également du corps astral, créant ainsi une condition de très réel danger.
5.
Samadhi ou le sommeil du Yogi, résultant du retrait conscient et scientifique de l'homme réel hors de sa triple enveloppe inférieure, en vue d'un travail sur des niveaux élevés, préparatoire d'un service actif aux niveaux inférieurs.
6.
Le sommeil des Nirmankayas, qui est une condition de concentration spirituelle dont le foyer se trouve dans le corps spirituel ou atmique ; concentration si intense que la conscience extravertie se retire non seulement des trois plans de l'activité humaine, mais encore des deux expressions inférieures de la Triade spirituelle. Aux fins de ce travail, le Nirmankaya est "endormi" à l'égard de tous les états, sauf celui du troisième, ou plan atmique.